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Le tigre immobile

Vingt-cinq ans après la chute de Saigon, la «rénovation» promise se fait attendre. Contesté par une opposition qui lutte pour la démocratie et jusque dans ses propres rangs, le régime devra changer. Le fera-t-il à temps ?

A Ho Chi Minh-Ville, que ses habitants s'obstinent à nommer Saigon, le 30 avril 2000, 25e anniversaire de la victoire communiste, le peuple est resté aux portes du palais de la Réunification. Indésirable. Les discours officiels encensaient son héroïsme, mais il n'a pu s'approcher du périmètre des cérémonies - bouclé par les troupes spéciales du ministère de l'Intérieur et la police anti-émeute. Avec leurs invités triés sur le volet, sous l'oeil d'un gigantesque portrait de l'Oncle Ho, les dignitaires du Parti et du gouvernement ont célébré entre eux ce jour solennel. L'ancien Premier ministre Pham Van Dong, 94 ans, s'était éteint la veille. Trois jours durant, sa mort fut gardée secrète, comme celle de Ho Chi Minh, en 1969. Par une étrange coïncidence, l'Oncle a disparu la nuit précédant le 2 septembre, jour de la fête nationale. Au Vietnam, il n'y a pas de hasard, mais des signes. Et celui-ci, aux yeux du peuple, est de fâcheux augure pour le régime et ses dirigeants.

Arrestations, interrogatoires, etc.

Peu auparavant était parvenue aux autorités une lettre du patriarche suprême de l'Eglise bouddhiste unifiée du Vietnam (EBUV), le vénérable Thich Huyen Quang, 83 ans, expulsé de Saigon en 1982 et assigné depuis à résidence dans le centre du pays. Le vieil homme les appelait à faire du 30 avril un jour de «repentir national» pour les «erreurs» commises par le Parti communiste à l'égard des vivants et des morts, les uns «privés de leurs libertés fondamentales», les autres broyés par la guerre ou sacrifiés injustement. Et de dénombrer les 700 000 victimes de la réforme agraire, les 100 000 des camps de rééducation, sans oublier les boat people... La Sécurité seule a répondu par un harcèlement accru contre l'EBUV, frappée d'interdiction depuis la mise en place, en 1981, d'une Eglise bouddhiste sous contrôle de l'Etat. Arrestations, interrogatoires, perquisitions, menaces, «tribunal populaire», les méthodes sont expérimentées de longue date. Au même moment, le président Tran Duc Luong accordait une amnistie à 12 000 prisonniers, où figurent, avance un opposant, «bon nombre de cadres du Parti, arrêtés ces derniers temps pour corruption, mais aucun détenu politique».

Non loin de l'avenue Le Loi, rue Pasteur, le patron d'un restaurant sert comme à l'ordinaire ses quatre variétés de soupes aux nouilles en pestant contre les cuisines ambulantes qui lui volent des clients: «Et j'ai 1 500 dollars de loyer à payer tous les mois!» Impatience capitaliste et concurrence féroce dans tous les domaines. En 1986, quand le Vietnam s'est orienté vers le doi moi, la rénovation - c'est «une question de vie ou de mort» clamait alors Truong Chinh, l'un des historiques du Parti - la métropole sudiste s'est engouffrée dans la brèche. Las! Depuis quelque temps, «les réformes avancent à reculons», déplore un jeune agent immobilier formé à Singapour. A l'abri des oreilles indiscrètes, sur la terrasse d'un condominium neuf de 30 étages, il remâche ses frustrations.

Phuoc le studieux est né bien après la «Libération». Le passé héroïque l'intéresse beaucoup moins que son propre avenir. Depuis six mois, il s'est mis frénétiquement à apprendre le français. Pourtant, il parle anglais - «Pas assez bien pour trouver du travail. Et j'ai pas d'oncle en Amérique». En revanche, il en a un en France, qui, il y a quelque temps, a manifesté le désir d'offrir le voyage à ce neveu de 19 ans qu'il n'a jamais vu. «Etes-vous communiste?» demande Phuoc avec la candeur d'un humain rencontrant un extraterrestre. Sans s'émouvoir pour autant de la réponse négative. Ailleurs est différent. Ailleurs est séduisant.

A coup sûr, le secrétaire général du PC vietnamien, Le Kha Phieu, découvrira la France avant lui. Convié par Jacques Chirac, il s'y rendra en visite officielle le 22 mai. Initialement, il aurait dû être accueilli, en novembre 1999, par Robert Hue, leader du PCF - une éventuelle entrevue lui étant ménagée avec le chef de l'Etat ou le Premier ministre. Mais Hanoi voulait le tapis rouge, et l'a obtenu, à quelques modalités près. Au pouvoir depuis décembre 1997, ce général trois étoiles déterminé à maintenir coûte que coûte la «voie socialiste» s'en tenait jusqu'ici à des déplacements dans des «pays frères», style Cuba, Chine ou Corée du Nord. Paris lui ouvre solennellement la porte d'une démocratie occidentale. «J'ai honte pour la France, qui se prétend la patrie des droits de l'homme», proteste Dong, un ancien réfugié politique. Si Le Kha Phieu reste inconnu du large public, les exilés vietnamiens - dont près de 80 000 vivent en France - ont leur idée sur le personnage, symbole d'un régime honni. Au demeurant, son itinéraire vaut le détour.

Nordiste, né en 1931, entré au Parti à moins de 18 ans, Le Kha Phieu a gagné ses galons en occupant, pour l'essentiel, des postes de commissaire politique. En 1968, au moment de l'offensive du Têt, il était, avec rang d'adjoint, celui de la zone militaire Tri-Thien - formée par la province de Quan Tri et celle de Thua Thien, qui entoure Hue, capitale culturelle du Vietnam. Le Vietcong a tenu cette ville du 30 janvier au 26 février, exerçant une terreur planifiée contre les «groupes réactionnaires». Plus de 5 000 civils, morts ou disparus, manquaient à l'appel lorsque les troupes communistes ont battu en retraite. Par la suite, on découvrit des charniers d'où quelque 3 000 corps, dont ceux de trois médecins allemands, furent exhumés. Des victimes tuées par balle, battues à mort ou enterrées vivantes.

Une trajectoire météorique

L'intervention vietnamienne contre les Khmers rouges au Cambodge, en 1979, sera un tournant décisif dans la carrière du camarade Phieu. Chef, dans l'opération, du département politique, il y acquiert des états de service «internationalistes», veillant, plusieurs années durant, à la mise en place à Phnom Penh d'un régime inféodé à Hanoi, tant sur le plan idéologique que dans la pratique. Surtout, les liens qu'il noue avec le général Le Duc Anh, commandant militaire sur le terrain - appelé ensuite à devenir ministre de la Défense, puis chef de l'Etat (1992-1997) - lui seront précieux. Dès 1991, il est placé à la tête de l'organe le plus puissant de l'armée - le directoire politique - dont les pouvoirs de contrôle englobent la Sécurité et le renseignement militaire. Dès lors, sa trajectoire devient météorique, à la jonction entre l'armée et le Parti. Avant même d'être admis au Politburo (1994), il préside, de surcroît, la commission centrale de protection politique, chargée de la rectitude idéologique et de la loyauté des cadres et des dirigeants. Autant dire qu'il en sait long et sur tout le monde. Restait un échelon à grimper. L'aile libérale du Parti aurait tenté, en vain, de s'interposer. Mais la haute hiérarchie serre les rangs: le PC a alors sur les bras une véritable jacquerie, dans la province de Thai Binh, à 80 kilomètres de la capitale, où les fermiers se rebellent contre la corruption des can bo (cadres) locaux. En novembre 1997, dans l'un des districts, ils s'emparent de 23 officiers de police, retenus en otage durant cinq jours.

Mal remis de l'effondrement du communisme soviétique, en proie à une crise généralisée, le Parti n'est déjà plus en mesure de régner en maître absolu. «L'appareil de sécurité et l'armée ont peu à peu endossé des responsabilités appartenant jusque-là à son domaine réservé, explique un diplomate de l'Asean [Association des nations d'Asie du Sud-Est], dont Hanoi est membre depuis 1995. Phieu est leur homme. Ils l'ont hissé au pouvoir.» A peine installé, le général démantèle le secrétariat du comité central - pierre angulaire du sacro-saint centralisme démocratique - qui régule les relations entre le Parti et le Politburo. Fureur des hiérarques, qui, déjà, supportent mal d'être sous la coupe d'un militaire. A présent, ils veulent à toute force restaurer cette instance. Cette lutte interne aux enjeux anachroniques en dit long sur le gouffre qui sépare le Parti du monde réel. Par ailleurs, pour avoir brisé le consensus de la direction collective, Le Kha Phieu a lui-même fragilisé sa position.

Les impasses de l'économie dirigée

Vue de la terrasse de l'hôtel Rex, où les touristes occidentaux BCBG ont remplacé les GI et les taxi-girls qui la hantaient durant la guerre, la ligne des toits porte l'élan du doi moi. Les buildings ont poussé en hauteur, hôtels cinq étoiles, appartements grand standing, flambant neufs - et vides. Non loin de la cathédrale, la tour Metropolitan - oeuvre de Veritas Architects, un cabinet de Kuala Lumpur, pour le compte d'East Asia Properties Ltd - attend, depuis son inauguration, il y a trois mois, les représentants de firmes étrangères aux habitudes assez dispendieuses pour y louer des bureaux. «La plupart des ces édifices ont été financés par des capitaux chinois, en provenance d'Asie du Sud-Est ou parfois des Etats-Unis. Difficile à savoir, explique Nguyen Lan, mathématicien et enseignant. Ces fonds sont immobilisés, en attendant que Hanoi se décide à prendre vraiment le tournant de l'économie de marché.» Membre de la troïka aux commandes, le Premier ministre Phan Van Khai, sudiste d'origine, est l'un des architectes du doi moi depuis la fin des années 80. Il est d'autant plus acquis aux réformes qu'il a lui-même expérimenté jadis, à la tête du comité d'Etat au Plan, les impasses de l'économie dirigée. Ce n'est pas le chef de l'Etat, Tran Duc Luong, originaire du Centre et géologue de formation, qui risque de lui mettre des bâtons dans les roues. Pourtant, ces dernières années, la rénovation piétine au point d'apparaître comme une rhétorique vide de sens.

Au début des années 90, attirée par une main-d'oeuvre éduquée, peu coûteuse et un marché intérieur de près de 80 millions d'habitants avides d'équipements, la communauté internationale salue le Vietnam comme un nouveau «tigre». A l'époque, le PIB par habitant était de 200 dollars. Il atteindrait tout au plus les 370 aujourd'hui. En 1994, lorsque Washington lève son embargo, plus de 400 compagnies américaines débarquent. Deux ans plus tard, les investissements étrangers directs représentent quelque 8 milliards de dollars, soit le tiers du PIB vietnamien. En 1999, ils sont tombés à 1,4 milliard, une chute que la crise de 1997 en Asie du Sud-Est ne suffit pas à expliquer - comme le prétendent certains officiels. Sous l'étiquette du doi moi, les pionniers de l'aventure ont découvert une bureaucratie tatillonne qui soumet la moindre initiative à autorisation préalable, la corruption, les taxes, les lenteurs...

Assez de nuisances pour aller voir ailleurs. C'en est au point que la France s'est retrouvée au premier rang des investisseurs étrangers en 1999. Un homme d'affaires étranger peut-il recruter lui-même son personnel au Vietnam? «Il prend alors le risque d'être convoqué par la Sécurité publique, où on l'accusera d'avoir engagé d'anciens prisonniers politiques qui n'ont pas le droit de gagner leur vie, explique Dong, citant un hôtelier suisse victime de cette mésaventure. Les officiels incitent fermement à passer par le ministère du Travail, où, bien entendu, les membres du Parti sont prioritaires à l'embauche. Pour figurer sur les listes, les autres glissent 100 ou 200 dollars à un fonctionnaire.» Cela explique sans doute pourquoi, le chômage aidant - à Ho Chi Minh-Ville, la capitale économique, il est estimé à 18% de la population active - le PC a enregistré 114 000 adhésions en 1999, soit 7% de plus que l'année précédente. Par ailleurs, la croissance, qui s'envolait autrefois autour de 10%, est tombée à 4,5% et pourrait s'éroder davantage, avertit la Banque mondiale, si Hanoi s'obstine dans son immobilisme.

Le Premier ministre pointe le doigt en direction des 7 000 entreprises du secteur public, «inefficaces» et déficitaires. Il vient d'annuler 84 types de licences imposées aux entrepreneurs, afin de restaurer la confiance. Mais il ne suffit pas de publier un décret pour qu'il soit appliqué. Le Kha Phieu veille au grain. Ce dernier s'est récemment déchaîné contre l' «impérialisme», selon lui toujours agissant: il aurait seulement modifié ses tactiques «d'agression et d'asservissement des nations faibles». Lorsqu'on sait qu'un accord commercial conclu en juillet 1999 entre le Vietnam et les Etats-Unis et visant à libéraliser les échanges mutuels n'est toujours pas ratifié par Hanoi - le Politburo, divisé, n'ayant pas donné son accord - la langue de bois fait sens. Pour enfoncer le clou, le 9e Plénum du Parti a réaffirmé son attachement indéfectible au socialisme, la seule voie qui puisse «maintenir l'indépendance du pays». Et, ajoute le général Tran Xuan Truong, idéologue de l'armée, satisfaire «l'aspiration séculaire de la nation exprimée au nom du peuple par l'Oncle Ho - que chacun ait une vie prospère et heureuse».

Perfectionner la gestion de l'impasse

Edifiant. Sauf que le pays est dans l'impasse. Et le régime, en butte à une double contestation. La dissidence prodémocratique est relayée sur plusieurs thèmes par une opposition interne au Parti. Des personnalités - tel le général Tran Do, héros de la guerre, exclu au début de 1999, ou le général Pham Hong Son, le propre neveu de Giap, qui a rendu sa carte - multiplient les critiques et l'appel aux réformes. Pour les dirigeants, il n'y a pas d'alternative, explique notre diplomate de l'Asean. «C'est changer ou mourir. Mais changer aboutira sans doute pour eux au même résultat. Pour la survie du système, ils n'ont guère qu'une solution: perfectionner la gestion de l'impasse.»

Le système de répression lui-même évolue, plus ciblé, moins massif. On n'en est plus à la règle stalinienne qui consiste à arrêter cent innocents pour ne pas laisser échapper un seul coupable, au point qu'on amnistie des détenus - afin sans doute de jeter de la poudre aux yeux de la communauté internationale. Mais une nouvelle loi, adoptée en 1999, renforce le contrôle sur les médias, rappelés, il y a peu, à leurs «obligations révolutionnaires». Avec l'approbation de Le Kha Phieu, l'appareil de la Sécurité s'acharne à réduire au silence les militants des droits de l'homme, comme Nguyen Dan Que, et tous les religieux, bouddhistes ou chrétiens, qui défendent les libertés. Parfois, la pression internationale parvient à faire commuer une condamnation à mort en emprisonnement à perpétuité, comme ce fut le cas pour le bonze Thich Tue Sy. Le Vietnam compte ainsi des dizaines de citoyens qui sont des non-personnes, privés de papiers, de téléphone, empêchés de se déplacer et de communiquer. Leurs familles sont harcelées par le Cong An, la Sécurité publique, qui compterait plus de 300 000 membres - soit plus de la moitié des effectifs de l'armée.

Cependant, l'univers carcéral des prisonniers politiques - dont le régime nie l'existence - reste l'une des pires réalités du Vietnam. Le camp disciplinaire A 20 est situé non loin de la frontière du Laos, dans une vallée de montagne baptisée la «Vallée de la mort», pour les centaines de tombes de détenus qui s'y trouvent. Y sont exclusivement incarcérés les leaders des mouvements d'opposition et leurs adjoints, «dangereux pour la sécurité nationale». Pham Anh Dung et Pham Van Thanh ont été arrêtés le 5 mars 1993, alors qu'ils préparaient une manifestation en faveur des droits de l'homme et de la démocratie. Le premier, ingénieur en informatique, était rentré au pays «après la chute du mur de Berlin». Le Cong An a «découvert» 35 kilos de dynamite dans une maison où ils se rendaient. Après plusieurs mois d'isolement dans une obscurité totale dont on les tirait vers 1 heure du matin pour des interrogatoires, ils seront jugés coupables, sans qu'aucun procès ait eu lieu, de «complot visant à renverser le gouvernement». L'un est condamné à vingt ans d'emprisonnement, l'autre à douze. Transférés à A 20, ils découvrent le camp, entouré de deux murs de 3 et 4 mètres de hauteur, surmontés d'une clôture électrifiée. Des étangs minés qui couvrent chacun la moitié d'un hectare complètent le dispositif d'enfermement, avec, au-delà, une bande de terrain piégée par des bambous affûtés. Les détenus, au nombre de 600, dorment à même le sol de ciment, inondé à la saison des pluies. Ils sont entassés par 120 dans des bâtiments, de 18 mètres de longueur sur 5 de largeur. Levés à 5 heures du matin, ils travaillent sept jours sur sept, essentiellement dans les rizières. Pour être affecté à la surveillance des animaux, tâche moins pénible, il faut payer environ 100 dollars aux gardiens. Il y a six appels par jour et deux repas, de l'eau salée et une ration de riz moisi lestée d'une bonne dose de cailloux. Ceux qui ont commis des «fautes» sont envoyés au «trou» - des cellules de 2 mètres sur 2 où ils sont enchaînés, les pieds bloqués contre un mur. Des jours, des mois durant. «Un militant anticommuniste, Le Quy Hoa, maître de kung-fu à Hue, a passé deux ans dans ces conditions, parfois suspendu par les bras qu'on lui tordait dans le dos, raconte Phan Anh Dung. Ses épaules sont restées déformées. Voilà vingt et un ans qu'il est sous les verrous. D'autres perdent la vue à la suite de tabassages répétés. Le prêtre catholique Nguyen Luan, qui avait réussi à se procurer en cachette des hosties pour célébrer une messe un soir de Noël, a été battu à mort.» Faute de soins, la tuberculose fait des ravages parmi les détenus. Il y a 56 villes au Vietnam et chacune aurait au moins un camp. Thanh Hoa, la ville natale de Le Kha Phieu, en aurait quatre. Les prisonniers qui ont une famille - «Mais, précise Dung, 90% n'en ont pas» - peuvent recevoir un peu d'argent ou des colis. «Si on vous envoie une cartouche de cigarettes, un seul paquet vous parviendra. Quant à l'argent, on ne le voit pas, seulement des tickets, pour la valeur réglementaire de 120 000 dongs par mois, soit moins de 10 dollars. De quoi se procurer des légumes, du sucre ou du sel, que les gardiens vendent à un prix exorbitant.» Si les droit commun peuvent éventuellement acheter leur liberté auprès du Cong An - le prix, au minimum 500 onces d'or, augmente en fonction de la longueur de la peine - il n'en est pas question pour les détenus politiques.

Dung et Thanh ont été libérés à la faveur de l'amnistie de 1998. Le premier est aujourd'hui président de la Fédération de défense des droits de l'homme au Vietnam. Lorsque le président chinois Jiang Zemin, en visite officielle en France, a été convié par le chef de l'Etat au château de Bity, en Corrèze, l'exilé vietnamien Bui Tin a rencontré le dissident Wei Jingsheng, expulsé de Chine après sa libération: «Ce château sera hanté par les âmes des étudiants broyés par les chars à Tiananmen», lui a confié Wei. Quelles âmes errantes et suppliciées nous apportera Le Kha Phieu ?

Par Sylvaine Pasquier - L'express, le 11 mai 2000.