Hanoï fait main-basse sur le monastère de Thien-An.
Malgré les protestations des bénédictins, le gouvernement vietnamien
communiste confisque le site de Thien-An pour y créer un parc de
loisirs.
«Les frères ne pourront pas rester à Thien-An dans de telles conditions
! »
Avec une peine évidente, le P.
Thierry Portevin, président de la congrégation bénédictine de Subiaco, à
Rome, lâche son verdict. L'évolution du « dossier » Thien-An, ces
derniers
jours, ne laisse guère place à l'optimisme. Début juillet, le premier
ministre vietnamien signait en effet l'acte officiel de confiscation des
terrains appartenant à ce monastère, fondé en 1940 par quelques moines
de La
Pierre-qui-Vire (Yonne). Ceux-ci avaient acquis 140 ha, à 4 km de Hué,
grande ville du centre du pays où l'on visite les tombeaux des
empereurs.
« Depuis le monastère, on aperçoit les mâts de l'ancienne capitale
impériale », raconte le P. Portevin qui s'était rendu sur place il y a
deux
ans. La communauté de Thien-An, qui compte désormais une trentaine de
moines
vietnamiens (dont les deux tiers sont des jeunes en formation) s'était
rapidement agrandie, subvenant à ses besoins tout en contribuant au
développement de la région : plantations et irrigations, création d'un
lac
pour alimenter en eau les villages alentour, écoles et dispensaires...
Un
patient travail et un site aujourd'hui gravement menacés.
Le gouvernement local a décidé, en 1998, d'annexer Thien-An pour en
faire...
un vaste parc de loisirs. Les moines, qui ont appris la nouvelle par des
affichettes collées en ville, ont été d'autant plus prompts à protester
qu'ils venaient de construire une église et une hôtellerie. Et « si ces
collines qui n'étaient que friches sont devenues un lieu d'excursion
touristique, c'est bien grâce aux moines », poursuit le P. Portevin.
Malgré leurs protestations, un premier chantier commençait autour du lac
en
mars 2000, tandis qu'un autre, dans la forêt, visait à construire des
hôtels, casinos et salles de jeux. Autant de projets « contraires au
silence
et à l'esprit monastiques », comme le résume le P. Portevin. En juin
2000
toutefois, tous les travaux étaient interrompus, dans l'attente de la
décision définitive du gouvernement national. Celle-ci vient de
tomber...
Depuis dix jours, les bénédictins s'opposent énergiquement à cette
spoliation. Le 2 juillet, l'abbé de Thien-An, le P. Stéphane, et sept
frères
ont manifesté à Hanoï, malgré l'intervention de la police, devant le
palais
du premier ministre, Phan Van Khai. Deux jours plus tard, le P. Stéphane
rencontrait une délégation de fonctionnaires nationaux. Entre-temps, le
P.
Portevin écrivait de son côté au premier ministre vietnamien pour lui
demander d'annuler au moins « l'ultime confiscation » de l'orangeraie (3
ha), devenue l'unique moyen de subsistance des moines.
« Une annulation, poursuivait le président de Subiaco, qui servirait
grandement la réputation de votre gouvernement, non seulement dans tout
le
monde religieux mais aussi dans l'opinion internationale. » Depuis
quelques
années, le Vietnam communiste donne des gages d'ouverture sur le plan
ecclésial, notamment en rouvrant certains grands séminaires, en
augmentant
le quota des ordinations sacerdotales, en restaurant d'anciennes églises
ou
en autorisant certains prêtres à poursuivre leurs études de théologie en
Europe.
Aujourd'hui, il semble assuré que les moines pourront garder deux
hectares
de terrain autour de leurs bâtiments et l'orangeraie. Mais celle-ci
risque
fort d'être totalement ou partiellement inondée quand le lac aura
atteint
son niveau d'eau maximal, à la fin des travaux. Autre détail vexant : le
monastère doit dorénavant solliciter l'autorisation des autorités
locales
pour puiser, dans « son » lac, l'eau nécessaire à ses irrigations.
Depuis le début de ce conflit entre les bénédictins et le gouvernement,
ce
dernier n'a jamais voulu reconnaître la validité des actes de propriété
des
moines, prétextant que, depuis l'arrivée des communistes au pouvoir en
1975,
tout le site de Thien-An appartient à l'Etat. Il semble que les moines
n'aient guère d'autres solutions, désormais, que d'exiger du
gouvernement un
autre site en échange de celui qui leur a été confisqué.
Par Claire Lesegretain - La Croix - 7 Juillet 2002
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