Pour marquer l'entrée dans l'année du serpent de métal, 6 000 Asiatiques fêtent le Têt ce soir
Le règne du dragon touche à sa fin. Dans quelques heures, la communauté asiatique de Nouvelle-Calédonie célébrera le nouvel an du calendrier
lunaire, « le Têt Nguyên Dan » ou « fête du premier matin de l'année », qui fait référence au début de l'année lunaire, entre le solstice d'hiver et
l'équinoxe de printemps. Environ 6 000 personnes du Territoire sont concernées par cette grande fête familiale qui se déclinera dans la plus pure
tradition asiatique.
Une tradition ancestrale
En Nouvelle-Calédonie comme partout ailleurs, la célébration du nouvel an lunaire se prépare depuis des jours voire plusieurs semaines. « Il s'agit
d'un rendez-vous important pour notre communauté, indique Jean Khac, président de l'association Hoi Ai Huu Viet Nam. Le Têt est la fête
traditionnelle la plus chère au coeur des Vietnamiens. C'est l'occasion de revoir des personnes perdues de vue ou éloignées par la distance et de
renouer avec les anciens. C'est pourquoi nous attachons une grande importance à cette manifestation. En fait, c'est une manière de retrouver
nos racines et d'affirmer notre différence. »

Le Têt est également l'occasion de renouer avec les traditions culinaires. Impossible en effet de célébrer l'entrée dans une nouvelle année sans
faire allusion au Banh chung, un savoureux gâteau de riz collant fourré de porc et de pâtes de fèves, au gio - une sorte de pâté réalisé à base de
chair de porc - ou autre fagot de printemps.
« Nous essayons dans la mesure du possible de reproduire les gestes de nos ancêtres, explique Georges Tran, un des membres-fondateurs de
l'Amicale vietnamienne. Notre principal souci est de proposer un repas copieux et simple, calqué sur ce qui se fait au Vietnam, avec tous les
moyens dont nous disposons actuellement en Nouvelle-Calédonie. Tous les plats proposés ont l'avantage de pouvoir être préparés à l'avance. Il
faut savoir qu'au Vietnam, plus personne ne travaille durant trois jours à compter de minuit, le soir du nouvel an. C'est pourquoi les mets
traditionnels ont la particularité d'être non-périssables durant quelques jours, tout en gardant leur saveur. »
Ordre et individualité
Impossible également d'aborder la fête du Têt sans évoquer l'astrologie chinoise. Selon le calendrier lunaire, l'année du serpent de métal revient
une fois tous les soixante ans. « Chez les personnes superstitieuses et très attachées aux croyances, les douze animaux du zodiaque chinois
revêtent une importance particulière, ajoute le président de l'Amicale vietnamienne de Nouvelle-Calédonie. En règle générale, le signe du serpent
est associé au charme, à la maîtrise de soi, à l'ordre et à l'individualité, autant de traits de caractère propres à ce reptile. Celui qui naît sous le
signe du serpent de métal fait preuve d'une grande assurance et d'une indépendance farouche. Il sait profiter de toutes les occasions qui se
présentent à lui et poursuit ses objectifs avec une stupéfiante détermination. Habile en affaires, il se révèle un investisseur audacieux. »
Un CD de fête pour le Têt : Joe Chuvan chante le Vietnam
La communauté vietnamienne aura doublement raison de faire la fête : le Têt coïncide avec la sortie du nouvel album de Joe Chuvan (à moins
que ce ne soit le contraire). En vietnamien, « Bong Xua » signifie « nostalgie ». C'est le titre du dernier CD de Joe Chuvan, qui a repris une
douzaine de chansons souvenirs parmi les plus fredonnées au Vietnam. Chansons d'amour et de variété, des années soixante à nos jours, ces
douze tubes feront le bonheur des anciens et des plus jeunes. « J'ai choisi ces titres parce qu'ils rappelleront quelque chose à tous les
Vietnamiens. Ce sont de vieilles chansons, avec des textes superbes, qui ont traversé les années sans prendre une ride », explique le chanteur.
C'est aussi le premier CD entièrement en vietnamien enregistré sur le Territoire. A se procurer d'urgence chez Kwany's Impérial (avec possibilité
de dédicace), Compact Mégastore, dans les supermarchés et les principaux disquaires de la place.
Jean Khac, président de l'Amicale vietnamienne : « Les traditions se perdent au fil des ans »
En poste depuis début janvier, le nouveau président de l'association « Hoi Ai Huu Viet Nam » insiste sur l'importance de perpétuer les us et
coutumes vietnamiennes, de plus en plus délaissées par les nouvelles générations.
Les Nouvelles calédoniennes : La culture vietnamienne est-elle vraiment en perdition ?
Jean Khac : Nos parents nous ont très longtemps raconté des histoires et des légendes du Vietnam, un pays où la plupart d'entre-nous n'ont
jamais mis les pieds. Ils ont essayé de perpétuer les us et coutumes vietnamiens sur leur terre d'accueil, la Nouvelle-Calédonie. Pourtant, les
traditions s'étiolent au fil du temps. A l'heure actuelle, nous devons nous concentrer et mobiliser tous nos efforts et notre attention afin que nos
racines restent gravées dans les esprits.
LNC : Comment expliquez-vous ce manque d'intérêt de la part des plus jeunes ?
J.K. : Les jeunes sont confrontés à un problème majeur. En fait, ils apprennent la langue française dans le cadre de leurs études et n'ont
finalement que très peu d'occasion de pratiquer leur langue maternelle. A cela vient se greffer le phénomène de métissage. Les mariages
pluri-éthnique se développent de plus en plus chez les jeunes et l'utilisation du vietnamien devient alors complètement obsolète.
LNC : Avez-vous des projets pour pérenniser vos traditions ?
J.K. : La mémoire de nos racines se puise dans la parole des anciens. Et leurs souvenirs sont d'une richesse inestimable. C'est pourquoi
j'aimerais immortaliser leur passé dans un livre dédié aux jeunes générations. Une manière comme une autre de consigner la tradition
vietnamienne afin qu'elle conserve toute sa pérennité. Lorsqu'ils sont adolescents, les jeunes ne se préoccupent guère de leurs origines. C'est en
prenant de l'âge et en gagnant en maturité qu'ils éprouvent le désir et le besoin de se retrouver, de comprendre d'où ils viennent. Encore faut-il
qu'il existe des traces pour répondre à leurs interrogations.
Odile Bassard : « C'est avant tout une fête familiale »
« Au Vietnam, la fête du Têt est une vraie réunion de famille. Les gens viennent de très loin pour se retrouver et ils sont parfois obligés de
prendre des jours de vacances pour passer le nouvel an en famille, se remémore Odile Bassard, après une vingtaine d'années passées dans le
nord-Vietnam.
« Le premier de l'an, plus personne ne travaille, c'est le moment où l'on rend visite aux parents et amis pour leur souhaiter les voeux de bonne
année. Il est d'ailleurs de tradition d'être très attentif à la première personne rencontrée durant les premières heures de la journée car celle-ci
pourra augurer de la réussite de l'année à venir. Dans les familles superstitieuses, les anciens vont jusqu'à choisir discrètement un individu à
bonne réputation, qui est invité à franchir le seuil de la maison en premier afin d'y apporter bonheur et fortune. »
Emmanuelle Tran Thi Phong : « Il s'agit d'une tradition ancestrale »
Emmanuelle Tran Thi Phong a vu le jour à Port Vila au Vanuatu. Enfant de Chan Dang (travailleurs expatriés), elle a vécu la fête du têt dans la
plus pure tradition vietnamienne. « Cette fête a toujours représenté un temps fort pour ma famille, se remémore Emmanuelle. Malgré notre
éloignement du nord-Vietnam, nous avons perpétué cette tradition ancestrale. Je me souviens qu'à cette occasion, ma mère mettait la maison
sans dessus dessous pour chasser la poussière ainsi que les mauvais esprits, les casseroles devaient briller et tout le linge était nettoyé. Une
fois ce travail achevé, nous nous occupions de préparer la coupe de fruits frais, symbole d'une offrande à nos aïeuls.
Dans la tradition vietnamienne, cette corbeille doit être composée de cinq variétés de fruits afin d'être placée sur l'autel des ancêtres, une sorte
d'étagère qui représente un lieu de culte. On y dépose également un vase avec des rameaux de pêchers en fleurs ainsi qu'un bol de riz dans
lequel sont plantés des bâtonnets d'encens, censés chasser les mauvais esprits et purifier l'air. »
Et celle-ci de poursuivre : « Je me souviens également qu'à minuit tapant, ma mère sortait de la maison et jetait des grains de riz aux quatre
points cardinaux, une façon d'invoquer l'abondance pour l'année à venir. C'était une fête de famille très importante à nos yeux. D'ailleurs, maman
sortait ses plus beaux habits pour l'occasion. Vraiment, c'était un moment unique et très fort qui est resté gravé dans mon esprit. »
Repères :
Acte de purification
Dans la tradition vietnamienne, fêter le nouvel an équivaut à se laver de ses erreurs, se débarrasser des pensées négatives ou autres actes
malveillants et commencer une nouvelle vie en se purifiant : On lave la maison, on nettoie l'autel des ancêtres ou des divinités, on repasse les
vêtements, on en coud des nouveaux et on prépare des plats nouveaux.
Soirée au Parkroyal
L'Association bouddhique de Nouvelle-Calédonie organise un buffet dansant ce soir à partir de 19 heures à la salle Vénézia du Parkroyal. Plus de
400 convives s'apprêtent à célébrer la fête du Têt qui annonce l'année du serpent de métal. Au programme : danse du dragon et défilé en tenues
traditionnelles...
Au foyer de l'Amicale vietnamienne
Plus de 400 personnes sont également attendues ce soir dès 20 heures au foyer de l'Amicale vietnamienne, à Magenta. Au programme : buffet,
chants, danse du dragon et musique jusqu'à tard dans la nuit. Point d'orgue de la soirée : l'explosion des pétards - autorisés à cette occasion -
pour chasser les mauvais esprits.
Fête familiale
Environ 6 000 individus sont directement touchés par le nouvel an du calendrier lunaire en Nouvelle-Calédonie. Ce soir, ils seront nombreux à se
retrouver chez eux, dans l'intimité, afin de célébrer cette nouvelle année en famille.
Journée des anciens
En écho à la fête du Têt, l'association « Hoi Ai Huu Viet Nam » organise une journée en l'honneur des anciens, dimanche 28 janvier, au foyer de
l'Amicale. Cette manifestation, qui vise à honorer les personnes âgées, est exclusivement réservée aux membres ainsi qu'à leurs enfants.
Par Nathalie Vermorel - Les Nouvelles Calédoniennes , le 23 Janvier 2001.
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