L'île vietnamienne de Phu Quoc, temple mondial du nuoc mam
PHU QUOC - Le palais des Européens s'accomode parfois mal du nuoc mam et bien peu, en Occident, sauraient en reconnaître les variations. Mais dans l'île de Phu Quoc, évoquer la célèbre saumure de poisson vietnamienne réveille une fierté ancestrale. Car les 80.000 habitants de cette petite île située à 45 kilomètres des côtes du Vietnam, dans le Golfe de Thaïlande, affirment qu'on y fabrique le meilleur nuoc mam du monde.
"Notre climat et la situation géographique permettent à Phu Quoc de faire un nuoc mam avec un nez, un goût et une richesse nutritive à nul autre pareil", affirme Nguyen Thi Tinh, présidente de l'Association des producteurs de l'île. "Nous l'avons produit depuis 200 ans et les secrets de fabrication se transmettent de génération en génération", ajoute-t-elle.
Le nuoc mam est disponible un peu partout en Asie du sud-est, mais celui de l'île est exclusivement fait à base d'anchois, loin des coupables mélanges de poissons auquels se livrent les autres producteurs. Du coup, le produit est devenue une appellation d'origine contrôlée, comme un Champagne ou un Cognac. Sans pour autant empêcher les contrefaçons: "de plus en plus de producteurs de nuoc mam au Vietnam et ailleurs utilisent le nom de Phu Quoc", regrette Tinh. "La qualité de notre nuoc mam est très bonne et ils veulent tirer profit du nom. Malheureusement, nous avons beaucoup de mal à régler le problème car la loi est très mal appliquée".
La saumure constitue l'un des revenus essentiels de l'île avec une centaine d'établissements, essentiellement familiaux, qui produisent 10 millions de litres par an, soit 5% de la production nationale. Environ un dixième de la production est exportée vers l'Europe, les Etats-Unis, le Japon et la Corée du sud.
La saumure est composée d'un mélange d'anchois et de sel déposé pendant douze à quinze mois dans de vaste cuves d'un bois coupé dans l'île qui, dit-on, lui donne son goût si particulier. Un étroit filet de bambou sépare au fond de la cuve les déchets du liquide qui, une fois considéré à maturation, fait l'objet d'analyses à l'Institut Pasteur de Ho Chi Minh-Ville (sud). Si sa valeur nutritionnelle est suffisante, le contenu de la cuve est estampillé et sera consommé.
"C'est un procédé simple mais il faut vraiment réunir toutes les conditions, que nous avons ici", se félicite un responsable de la Thanh Ha Fish Sauce Co., un des plus gros producteurs de l'île.
Beaucoup d'étrangers continuent d'être rebutés par le goût âpre de cette sauce, présente dans tous les restaurants asiatiques du monde. Mais la plupart des Vietnamiens n'envisagent pas un repas sans elle.
"Notre nourriture ne serait pas aussi bonne et nos clients ne reviendraient pas si ce n'était pour notre nuoc mam", affirme d'ailleurs Nguyen Lan Tuoi, chef cuisinier dans un restaurant poulaire de l'île.
Agence France Presse - 15 Septembre 2004
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