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Le Vietnam continue de lutter. Il faut du temps

Stéphane Hessel, diplomate fraçais, est toujours aussi chevronné malgré ses 86 ans. L’une des chevilles ouvrières des Accords de paix de 1954, il a participé cette semaine aux commémorations organisées par la ville de Genève. Interview.

Cinquante ans après la signature des Accords de paix, Genève, la Ville a invité des diplomates vietnamiens et français pour commémorer cet événement historique. Parmi les invités, l’ambassadeur Stéphane Hessel qui avait pris part aux négociations au sein de l’équipe de Pierre Mendès France. Interview de ce fin connaisseur, diplomate chevronné, qui a vécu plusieurs années au Vietnam durant la guerre.

Qu’a gagné le Vietnam au terme des accords de Genève de 1954?

Ce pays n’y a gagné qu’un peu de répit, un peu de temps pendant lequel les Vietminh (combattants communistes du Nord) ont pu s’organiser, devenir forts et infiltrer la Cochinchine. C’est alors qu’ils ont mené l’assaut final qui a permis l’unification en 1974 des deux parties. Ce n’est pas le scénario que nous espérions au moment des accords, nous voulions ouvrir une porte sur une unification pacifique en deux ans. A la place, il y a eu une unification belliqueuse, violente, sanglante pour ce pauvre pays et sa population.

A qui la responsabilité?

Il y a d’abord la France en 1946 qui tenait à tout prix à garder l’empire colonial. Il aurait fallu accueillir le président Ho Chi Minh et négocier avec lui. Mais le Général de Gaulle a fait l’erreur de vouloir que le Vietnam reste sous la grande autorité française. Il était prêt à quelques concessions sur les indépendances du Cambodge et du Laos, mais il ne voulait pas perdre l’Indochine. Cela a mené à la guerre française qui a duré sept ans. La deuxième erreur vient des Etats-Unis qui voulaient refouler l’expansion des pays communistes, empêcher Moscou et Mao Tse Toung de dominer l’Asie. Au lieu de favoriser l’unification, ils ont joué un camp contre l’autre et amené les dirigeants à plonger dans une guerre de plus de quinze ans. Cette trop longue guerre les a rendu impopulaires comme en Irak aujourd’hui.

Après 1954, vous avez été en poste durant plusieurs années à Saigon (aujourd’hui Ho Chi Minh Ville) comme conseiller de l’ambassade de France. Quel regard aviez-vous alors sur les Vietcong (communistes) du Nord?

Nous avions du mal à négocier avec un gouvernement sud vietnamien antifrançais. Il y régnait une atmosphère de conspiration très bien décrite dans le roman (et le film) de Graham Greene Un Américain bien tranquille. Nous étions aussi très inquiets des infiltrations vietcong.Nous percevions le régime de Hanoi comme très dur idéologiquement. Cependant nous sentions bien que c’était un régime patriotique, que la majorité des Vietnamiens y aspiraient et attendaient que le Vietminh prenne le pouvoir. Mais la désillusion a été brutale pour ceux du Sud. Malgré la colonisation française, les deux guerres puis l’embargo imposé par les Etats-Unis jusqu’en 1995, le Vietnam s’en sort de manière remarquable, avec un taux de croissance économique élevé et une diminution importante de la pauvreté. Ce peuple a une culture d’énergie, il a résisté à la Chine, au Japon, à la France, aux Etats-Unis. Et il continue de résister.

Comment expliquez-vous le silence assez total sur les questions des droits de l’homme dans une rencontre comme celle-ci?

Tout le monde sait que les droits de l’homme ont été constamment violés au Vietnam. Par les Chinois, le Japon, la France, les Etats-Unis et maintenant Hanoi... En même temps, un meilleur respect des droits de l’homme ne peut se construire qu’à partir d’un pouvoir considéré comme légitime par la population. Il faut de la patience et du temps, après ces deux guerres terribles.

Par Carole Vann - InfoSud - 29 Avril 2004