Le Vietnam cible de critiques malgré la réduction de peine d'un dissident
HANOI - Une pluie de critiques s'est abattue sur le Vietnam après la
réduction de la peine de prison d'un dissident mardi, décision certes rarissime pour
la justice de ce pays, mais que les organisations de défense des droits de l'homme
interprètent avant tout comme un calcul politique.
Mardi, les accusations d'espionnage portées contre Pham Hong Son, fondées
essentiellement sur des contacts qu'il aurait entretenus avec d'autres dissidents au
Vietnam et à l'étranger, ont été maintenues. Mais l'accusé a vu sa condamnation à
13 ans de prison réduite à 5 ans en appel.
"Il s'agit d'une décision politique visant à calmer les critiques de la communauté
internationale", a estimé Reporters sans frontières (RSF).
"La communauté internationale, notamment l'Union européenne, doit continuer à faire
pression sur le gouvernement vietnamien pour que Pham Hong Son soit libéré", a
ajouté RSF.
La peine minimale théorique pour espionnage est de douze ans. Mais la justice
vietnamienne, aux ordres du pouvoir politique et d'habitude peu sensible aux
procédures d'appel, a trouvé une parade pour tenter de satisfaire l'opinion sans
relâcher la pression sur ses opposants, commentent les analystes.
"Dès lors que les activités d'espionnage de Son ont été détectées à temps et que
leurs conséquences ont été limitées pour le pays, la Cour suprême a décidé de
réduire sa peine de prison", tentait de justifier mercredi la presse officielle
vietnamienne.
"Une réduction de peine ne change rien à cette grave injustice", a rétorqué Ann
Cooper, directrice du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé aux
Etats-Unis.
Selon une source judiciaire, l'avocat de la défense, Tran Lam, aurait mis la cour en
difficulté mardi en montrant son incapacité à prouver ses activités d'espionnage, et
en particulier à déterminer les "employeurs" du dissident. Un accessit symbolique,
dit cette source, tant nul n'ignore que la décision avait été prise à l'avance.
"Combien de Pham Hong Son se morfondent dans les prisons vietnamiennes ?"
s'est interrogée l'organisation Amnesty International, inquiète du sort "des individus
sans visage qui ne bénéficient pas de la même attention internationale (...)".
Car Son a en effet bénéficié de nombreux soutiens.
Les Etats-Unis, un partenaire commercial de premier plan du Vietnam, avaient
manifesté leur consternation après la condamnation en première instance de ce
médecin de 34 ans, à qui il est aussi reproché d'avoir traduit un texte à propos de la
démocratie puisé sur le site internet du département d'Etat.
Le dossier est aujourd'hui au coeur d'un débat lancé au Congrès (parlement) à Washington, depuis l'adoption par
la Chambre des représentants (chambre basse du parlement) d'un texte faisant dépendre le montant de l'aide
non-humanitaire au Vietnam du respect des droits de l'homme dans ce pays.
Le texte a des chances réelles d'être adopté par le Sénat.
"Si Hanoï s'est imaginé que (ce verdict) apaiserait le Congrès, c'est qu'il a sérieusement sous-estimé la situation",
estime Carl Thayer, un expert du Vietnam à l'Australian Defence Force Academy.
"Le gouvernement vietnamien ne devrait pas gagner le moindre crédit en réduisant une très forte peine en une forte
peine", ironise Brad Adams, de Human Rights Watch (HRW).
Même l'épouse de Son, qui n'espérait probablement pas voir la peine de son mari ainsi réduite, n'a pu se réjouir
pour autant.
"Je ne suis pas satisfaite. Il aurait dû être déclaré innocent, ce qu'il est en réalité, et libéré", a déclaré à l'AFP Vu
Thuy Ha, mère de deux enfants et unique témoin de ce procès.
Agence France Presse - 27 Août 2003.
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