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Le débat sur la peine de mort s'invite au sommet de l'Etat au Vietnam

HANOI - La peine de mort, utilisée avec constance et sans opposition au Vietnam depuis 1975, fait depuis quelques mois l'objet d'un débat au plus niveau de l'Etat que beaucoup d'experts jugent sincère même si l'abolition pure et simple semble encore hors de portée.

Chose inimaginable il y a peu, l'Union européenne (UE) organise un séminaire sur la peine de mort à Hanoï du 24 au 26 novembre. "L'idée de départ est venue des Vietnamiens", se réjouit un diplomate européen. De la part d'un pays plutôt habitué à agir sous la pression extérieure en matière de droits de l'homme, le geste est apprécié. "C'est une belle histoire de droits de l'homme au Vietnam, et il n'y en a pas beaucoup", ajoute ce diplomate.

En 1999, Hanoï avait réduit de 44 à 29 le nombre de crimes passibles de la peine capitale. Depuis, seule la question des méthodes d'exécution était évoquée périodiquement. Mais depuis quelques mois, des personnalités de haut rang ont pris position pour une réforme du châtiment suprême. En avril, le directeur adjoint du Comité des affaires intérieures du Parti communiste vietnamien (PCV, au pouvoir) avait révélé l'existence d'une étude sur l'abolition de la peine de mort dans les affaires de délinquance financière, pour lesquelles plusieurs personnes sont exécutées chaque année. Le responsable affirmait que la sentence n'avait pas d'effets sur le nombre d'infractions commises.

Vendredi, le ministre de la Justice a confirmé l'existence du projet "afin de suivre la progression de la démocratie et de l'humanité". "Nous travaillerons avec les organisations et agences compétentes, à la recherche de différentes opinions et en observant l'expérience d'autres pays, avant de soumettre la proposition au gouvernement", a ajouté Uong Chu Luu vendredi au quotidien Tuoi Tre. Le geste est important de la part d'un régime par ailleurs très soucieux de montrer sa détermination face à la recrudescence des affaires de corruption dans l'appareil d'Etat.

"La peine de mort pour les délits économiques est abolie dans plusieurs pays et elle n'est pas appliquée dans beaucoup d'autres", souligne Nguyen Duy Lam, directeur de cabinet du ministère de la Justice. "Beaucoup de pays ont changé leur loi, nous devons également amender la nôtre". Même si une abolition pure et simple semble exclue pour le moment, le simple fait que le débat soit porté sur la place publique constitue un espoir de taille pour les abolitionnistes, qui répètent combien la pauvreté des droits de la défense dans le système judiciaire vietnamien rend la peine de mort encore plus insupportable. "Ce qui est nouveau, c'est qu'il y a effectivement un débat", se félicite un diplomate étranger. Selon deux sources diplomatiques distinctes, une des figures du gouvernement vietnamien aurait indiqué à des visiteurs étrangers cette année sa volonté de faire abolir la peine de mort d'ici 2010. Une chose est sûre, le sujet n'est plus tabou.

En avril, le Tuoi Tre avait publié une tribune d'opinions sur la peine de mort pour les crimes financiers. Avec des résultats surprenants: si le ministre de la Justice s'exprimait en faveur de l'abolition, l'un des défenseurs de son maintien n'était autre que Pham Quoc Anh, président de l'Association des avocats du Vietnam. En attendant, la justice ne faiblit pas. Au moins 97 personnes ont été condamnées à mort depuis janvier dernier et 63 ont été exécutées, selon des informations recueillies dans la presse. Les statistiques officielles sont, en théorie, classées secret d'Etat.

Agence France Presse - 7 Novembre 2004.