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Polémique frontalière sino-vietnamienne au coeur du procès d'un dissident

Un accord frontalier controversé entre Hanoi et Pékin, longtemps resté secret et au sujet duquel le Vietnam est accusé par des opposants d'avoir cédé du terrain à son voisin, sera la toile de fond du procès d'un dissident vietnamien mercredi à Hanoi.

Le journaliste et cyber-dissident Nguyen Vu Binh avait été arrêté en septembre 2002 après avoir diffusé sur internet un texte critique intitulé "réflexion sur les accords frontaliers sino-vietnamiens". Il est poursuivi pour "espionnage" et risque entre 12 ans de prison et la peine de mort. Ces accords, signés en 1999 après six ans de négociations, n'ont été publiés en catimini qu'en 2002 sur le site internet de l'organe officiel du Parti communiste vietnamien (PCV). Ils ont immédiatement déclenché une intense polémique chez les opposants du régime de Hanoi, qui estiment que le Vietnam a cédé du terrain à la Chine.

Hanoi a toujours nié toute concession territoriale et attribué les critiques aux "forces réactionnaires et opportunistes politiques". Le sujet ne devrait d'ailleurs pas être évoqué à l'audience. La polémique se nourrit de la difficulté de prouver si il y a eu un déplacement de la frontière. "Personne n'a comparé la frontière actuelle avec celle d'avant le traité. Beaucoup de monde pense que le Vietnam a concédé du terrain. Mais personne ne l'a démontré de façon empirique", explique Carl Thayer, expert du Vietnam à l'Australian Defense Force Academy.

La tâche est d'autant plus complexe qu'il est difficile de savoir sur quelle base les deux pays ont travaillé, et notamment s'ils ont utilisé, comme c'est souvent le cas, des relevés topographiques de la période coloniale. Les négociations sur le dossier avaient en outre été compliquées par la conviction de Hanoi que les soldats chinois avaient déplacé une centaine de marques frontalières, lors de la brève invasion du Vietnam en 1979. Cependant, la question trouble moins la population que les politiques: le traité a stabilisé les rapports bilatéraux, le commerce transfrontalier est florissant et les contrebandiers sont riches.

Mais l'hypothèse d'un renoncement territorial suffit à faire frémir le régime vietnamien. La Chine est le partenaire communiste majeur de Hanoi mais aussi un voisin trop puissant pour n'être pas craint. Et l'histoire millénaire des deux pays est pavée de guerres et d'invasions. "La question est doublement sensible car les anti-communistes de l'étranger utilisent le traité pour démontrer que le régime est illégitime: il a (selon eux) emprunté une idéologie étrangère et vendu le patrimoine vietnamien à un ennemi historique", ajoute Carl Thayer.

Ancien journaliste du Tap Chi Cong San (Les Revues Communistes), Nguyen Vu Binh avait démissionné en janvier 2001 et demandé l'autorisation de former le Parti libéral démocratique. Il avait aussi été impliqué en 2001 dans la création d'une organisation anti-corruption rejetée par le gouvernement, selon l'organisation américaine Human Rights Watch. Arrêté quelques jours en juillet 2002, il avait été relâché. Mais en évoquant l'accord frontalier, il a été trop loin pour le régime.

Plusieurs autres dissidents vietnamiens ont été emprisonnés pour avoir évoqué l'accord frontalier. Le 8 novembre 2002, Le Chi Quang, un Professeur d'informatique de 34 ans, avait ainsi écopé de quatre ans de prison. Il avait publié sur internet une lettre évoquant le sujet adressée au président chinois Jiang Zemin, à la veille d'une visite officielle de ce dernier au Vietnam.

Agence France Presse - 30 décembre 2003.