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Les espèces sauvages menacées de disparition


CHU SE - Vous souffrez d'une virilité défaillante ou d'insomnie chronique ? Nguyen Van Au, négociant en produits "médicinaux" à base d'animaux sauvages, a probablement une solution pour vous.
Son échoppe dans la localité de Chu Se, située dans la province de Gia Lai, dans les Hauts-Plateaux du Centre-Vietnam, est facile à repérer avec la peau de l'immense python qui en barre l'entrée.
Au ouvre une boîte de métal et exhibe la vessie ratatinée d'un python, des griffes de tigre et des morceaux de défense d'éléphant.
"Tout ceci est très rare", explique le commerçant en montrant ensuite un crâne d'aigle, "parce qu'il n'y a plus beaucoup d'animaux sauvages par ici".
Mais Au ne se préoccupe pas de savoir que lui et des milliers d'autres négociants d'animaux rares représentent une réelle menace de mort pour de nombreuses espèces sauvages au Vietnam.
Le problème est particulièrement aigu dans le plateau de Tay Nguyen, qui englobe les provinces de Kon Tom, Gia Lai et Daklak, où des centaines d'espèces rares sont menacées d'extinction.
Les tigres du Vietnam sont passés de plusieurs milliers dans les années 60 à 200 aujourd'hui. La population d'éléphants a baissé de moitié en cinq ans pour atteindre juste 300.
Chasseurs et braconniers menacent directement des centaines d'autres espèces, dont certaines sont uniques au Vietnam, un pays qui héberge trois des dix nouvelles espèces d'animaux découvertes lors de ce siècle dans le monde.
"Ce sera une cause perdue si on ne fait rien rapidement", estime un expert étranger des espèces sauvages.
La demande locale est forte mais 90% du commerce illégal d'animaux rares passe en contrebande à la frontière chinoise.
A Daklak, on trouve à la boutique cadeau de l'aéroport de la bile de python et le plus grand hôtel de la ville, un établissement étatique, propose à la vente de la pâte à base d'os de tigre.
Les restaurants de Daklak offrent dans des jarres immenses des mixtures alcoolisées à base de singe, de renard ou de lézard vendues comme des potions médicinales magiques.
"C'est difficile à contrôler, les gens sont motivés par le profit", concède Le Van Quyet, vice-président du Comité populaire de la province de Daklak.
Dans la province de Gia Lai par exemple, le hall de réception du Comité populaire est une véritable salle d'exposition de trophées: tigre et bébés éléphants empaillés, profusion de dépouilles de petits animaux sur les murs.
La lutte pour la préservation des espèces porte surtout sur les interceptions à la frontière sino-vietnamienne. Entre juin 1996 et juin 1997 le département de la protection des forêts du ministère de l'Agriculture a empêché 1.270 passages et confisqué 69.000 animaux vivants.
Mais ceci ne représenterait qu'une infime portion du commerce illégal total, et non pas un bon quart comme l'affirme le gouvernement.
La chasse d'animaux sans permis est totalement bannie depuis 1973 et le gouvernement a fait adopter une batterie de lois visant à protéger près de 350 espèces.
"Mais de Daklak à la frontière chinoise, il y a une cinquantaine de points de contrôle possibles", explique un expert étranger, "donc 50 personnes prêtes à accepter des pots-de-vin".
"Le noeud du problème est qu'il faut fournir aux chasseurs illégaux une source alternative de revenu", ajoute-t-il, en référence au fait que les braconniers sont le plus souvent membres de minorités ethniques dont le niveau de vie est extrêmement faible.
Mais la sécheresse actuelle dans la région centre, qui a détruit des milliers d'hectares de cultures, aggrave encore la chasse illégale parmi des populations menacées de famine.

Par Frederik Balfour - AFP, le 03 Mai 1998.