Saigon, une locomotive qui s'essouffle
HO CHI MINH-VILLE (Vietnam) - L'ancienne Saïgon, la
"locomotive" de la forte croissance économique des dix dernières années,
s'essouffle. Les signes de ralentissement économiques abondent à Ho Chi
Minh-Ville, mégalopole du sud de quatre millions d'habitants où la baisse
générale de la consommation donne le signe d'un recul général des affaires.
Cette année, les ventes de produits électroniques ont chuté de 40 % par
rapport à 1996 et les loyers des espaces de bureau ont baissé de moitié.
L'investissement étranger dans cette vitrine de la politique d'ouverture
économique vietnamienne de "doi moi" mise en chantier il y a dix ans est
lui aussi en recul, de même que la croissance de la production
industrielle.
Pour les économistes étrangers, il ne fait pas de doute que la crise
monétaire et financière en Asie du Sud-Est ne va pas arranger les affaires
de l'ex-Saïgon au cours des 18 prochains mois.
"On constate une baisse générale de la confiance dans l'économie, un manque
de nouvelles compagnies sur le marché, et le ralentissement en Asie se fait
aussi sentir" ici, explique David Bell, représentant de l'agence de
publicité Bates Worldwide.
Les perspectives des exportations ne sont pas brillantes non plus. Les
secousses financières dans la région et la résistance de Hanoï à agir sur
le taux de change du dong - qui n'a perdu que 5% mais reste très surévalué
vis-à-vis du dollar - ont rendu les exportations vietnamiennes encore moins
compétitives.
"Il n'y a pas de raison d'investir sur le marché domestique, les industries
exportatrices n'offrent pas non plus de bonnes perspectives. Alors il ne
nous reste plus grand chose", estime le responsable d'un fonds
d'investissement international.
Le refroidissement général a poussé de nombreux investisseurs à
reconsidérer leur projets. Certains ont renoncé à des plans d'expansion,
d'autres ont remplacé leur personnel expatrié par des locaux, ou ont tout
simplement quitté le Vietnam. Collier Jardines (immobilier) a fermé son
bureau de représentation, trois marques internationales de spiritueux
s'apprêtent à faire de même.
"Il devient difficile pour les investisseurs de justifier leurs dépenses",
relève Hal Fiske, avocat de la firme Sesto and Vecchi.
Les investisseurs étrangers soulignent qu'il est grand temps pour le
Vietnam de réagir en s'attaquant à une bureaucratie énorme, à un système
légal opaque et au traitement privilégié toujours accordé à un secteur
publique surprotégé.
"Il y a une fatigue des investisseurs avec le sentiment que les réformes
sont lentes et peu rationnelles et que rien n'est fait pour aller de
l'avant", explique l'avocat, même si sur le long terme le Vietnam apparait
toujours comme un marché potentiellement intéressant.
Saïgon a connu depuis dix ans une exceptionnelle croissance grâce à
l'afflux des capitaux étrangers, en provenance essentiellement de pays qui
sont aujourd'hui pour la plupart en pleine crise.
"La croissance de la production industrielle est de 13,1 %, c'est moins que
l'an dernier", concède Nguyên Va Thi, vice-président du Comité populaire de
Ho Chi Minh-Ville, "nous devons faire plus d'efforts pour 'vendre' la ville
et abaisser le coût des services".
Mais ce pourrait être trop peu et trop tard. Selon un avocat ayant
participé à une récente conférence gouvernementale sur la situation
économique en présence du Premier ministre Phan Van Khai, les investisseurs
étrangers sont fatigués des discours. Ils veulent des gestes. "Mais on a
l'impression qu'à Hanoï ils n'ont aucune idée de la façon de réagir à la
situation régionale", dit-il.
Pour un ancien conseiller du gouvernement, c'est la volonté qui fait
défaut. "Communisme égale socialisme, égale contrôle", dit-il.
07/12/97 - AFP - Fréderik Balfour
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