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De la piste Hô Chi Minh à la route Hô Chi Minh

La voie de l'espoir. Le 3 février dernier, le Premier ministre du Vietnam, M. Phan Van Khai, signait la Décision 18, ouvrant la première phase du projet d'investissement portant sur la construction de la route Hô Chi Min. Au début du mois d'avril, les travaux commençaient. Cette route longue de plus de 1.500 km rejoindra Hanoi à Hô Chi Min City (Saïgon), pour devenir la première route nationale du pays, et pour désengorger l'actuelle route nationale 1 A. Initialement baptisée «route nationale Nord-Sud», elle fut ensuite rebaptisée «route Hô Chi Min», pour des raisons historiques.

Le fait qu'elle reprenne une bonne partie du tracé de l'historique piste Hô Chi Min fait en sorte que les travaux prévus nécessiteront une contribution importante du génie militaire, pour des continuelles opérations de déminage, par ailleurs toujours indispensables dans ce pays sur lequel ont été larguées près de 13 millions de tonnes de bombes entre 1962 et 1975, soit 3 à 4 fois le tonnage total lâché durant la dernière guerre mondiale. La construction de cette route permettra d'accélérer le développement rural et industriel de plus de dix millions d'hectares de forêts et de terres cultivables, d'assister valablement l'installation de 28 millions de résidents dans la région, et de créer une structure économique viable pour cette vaste région inexploitée de l'Ouest du pays, particulièrement la région côtière et la région montagneuse du centre du Vietnam.

La route Hô Chi Minh reliera 63 routes secondaires, voies navigables et ports maritimes du centre du Vietnam et constituera une liaison avec les pays voisins, ainsi qu'un axe de transport nord-sud utilisable en période d'inondations. En tout, 1.692 kilomètres de routes principales la relieront avec l'ancienne route nationale 1 A, avec les ports maritimes, les villes et zones industrielles situées sur la côte, ainsi qu'avec le couloir Est-Ouest. Elles relieront également la route transasiatique et le sud de la Chine.

Dans un premier temps, cette route à deux voies sera composée de sections larges de 6 mètres, là où un terrain de construction favorable le permettra ou dans les endroits de trafic dense. Les autres sections auront une largeur de 5,50 mètres. Dans les deux cas, un trottoir de 1 mètre de large sera construit de chaque côté de la route. Les ponts auront une largeur identique et pourront supporter des véhicules de 30 tonnes.

La voie du Doï Moï

La construction de l'ensemble, d'un coût estimé de 375.000.000 USD, nécessitera le déplacement de 65 millions de mètres cubes de terres, la production de 6 millions de mètres cubes de pierres pour les routes, ponts et égouts, ainsi que la préparation de 6,5 millions de mètres cubes d'asphalte et de 2 millions de mètres cubes de béton armé. Le Doï Moï («le renouveau», littéralement «changer pour faire du neuf») se caractérise depuis 1986 par une politique de réformes économiques progressives, visant à ouvrir le pays à l'économie de marché. Depuis quinze ans, les aides internationales de développement se sont multipliées, avec une croissance de 4.300% les dix dernières années, en ce qui concerne les besoins du Vietnam en investissements étrangers d'exploitation et de transformation, dont près de 30% portent uniquement sur le secteur agricole.

Les principaux obstacles à la reconstruction rapide du Vietnam sont encore constitués par le cadre juridique peu clair des lois sur les investissements étrangers, les lenteurs administratives pour l'octroi des licences nécessaires, et les contraintes astreignantes relevant de la politique de change de la banque d'Etat du Vietnam et du MPI (Ministère du Plan et de l'Investissement). Dans tous les secteurs développés par les Occidentaux, c'est principalement la France qui est présente, avec quelque deux cents sociétés implantées au Vietnam dans les secteurs industriels et agricoles, et la volonté de doubler ce nombre de sociétés participant au développement, à court terme. De manière générale, on constate que les sociétés européennes implantées au Vietnam témoignent de la recherche consciencieuse d'une bonne gestion des ressources et de l'environnement, et de transferts de technologies adaptés.

La voie de la raison

Socialement, les effets du Doï Moï se constatent, par la coexistence de deux mondes différents: un quart-monde économique qui semble rester sur place, et un monde économique qui démarre au quart de tour. Avec une population constituée à plus de 50% de jeunes de moins de 25 ans, et un taux d'accroissement de la population de l'ordre de 2%, le Vietnam dispose d'une main d'oeuvre abondante, alphabétisée à 95%, qui dépend en grande partie des investissements étrangers pour se développer, et qui représentera un marché de quelque 120 millions d'habitants à l'horizon 2010. Le taux de croissance économique constaté (5,83% en 1999) ne suffira en effet pas à compenser l'augmentation des dépenses en infrastructures sociales engendrées par le taux d'accroissement de la population.

On peut dès lors très bien comprendre les difficultés et hésitations du pouvoir actuel à constituer un cadre juridique clair pour attirer et protéger les investisseurs étrangers, tout en cherchant à maîtriser le marché national, et particulièrement celui des devises étrangères, lequel est vital pour l'économie d'un pays dont la balance commerciale était encore déficitaire de quelques 2.000.000.000 USD pour l'exercice 1998. Les perspectives et solutions, pourtant, ne manquent pas, comme en témoignent différents exemples, remarquables, d'innovations technologiques mises en oeuvre et permettant d'inverser favorablement la balance commerciale du Vietnam, l

En ouvrant le Vietnam à l'économie de marché, ses dirigeants ont pris la seule décision pouvant lui éviter l'asphyxie. Par l'adoption de la voie du Doï Moï, ils ont également pris le risque d'écarteler à terme leur propre pouvoir entre les anciennes convictions et les pièges du libéralisme, ce qui explique les premières difficultés actuelles. La continuation d'une bonne coopération avec les pays étrangers investisseurs et le pragmatisme séculaire vietnamien permettent en tous cas de prévoir un avenir meilleur.

A l'aube du nouveau millénaire, au Vietnam, le libéralisme du renouveau s'épanouit progressivement dans la théorie dogmatique et idéaliste de l'oncle Hô. L'oncle Sam panse encore ses souvenirs, et marche à l'ombre, hormis l'arrivée quotidienne de ses charters de touristes et vétérans, et l'omniprésence du dollar américain. Dans ce contexte, le rôle de l'Europe pour la reconstruction du Vietnam reste plus que jamais d'actualité.

Par Vincent Wautier - Le Soir, le 29 Avril 2000.