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1100 foyers français attendent l'adoption d'enfants vietnamiens

Pour rompre avec des pratiques frauduleuses, une nouvelle procédure a été mise en place entre les deux pays. Mais les structures de contrôle sont engorgées par les dossiers en attente et les candidats s'impatientent.

1 100 CANDIDATS , ou couples de candidats à l'adoption vivent actuellement dans l'espoir que les autorités vietnamiennes leur confient un enfant. Depuis que, en novembre 2000, l'adoption dans ce pays, suspendue durant deux années, a été officiellement rouverte par le gouvernement français, l'attente leur semble fort longue. Et la tension monte à l'ambassade de France à Hanoï. Lundi 7 mai, la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, Ségolène Royal, recevait à Paris la vice-présidente du Vietnam, Nguyen Thi Binh, afin de tenter de débloquer la situation.

Le Vietnam est traditionnellement le principal pays d'origine des enfants adoptés en France : 40 % des adoptions internationales (soit environ 1 500 enfants) sont réalisées dans ce pays. Il était pourtant temps de "renouer les liens de confiance, explique Mme Royal. Car les Vietnamiens ont eu le sentiment d'être mis en cause publiquement". Le 27 avril 1999, la France suspendait brutalement toutes les adoptions d'enfants vietnamiens. Des pratiques "inquiétantes" avaient été découvertes : fraudes sur les documents d'état civil, offres d'achat de nouveau-nés, rapts d'enfants. Les tribunaux vietnamiens commençaient à condamner des responsables de trafics... et les tribunaux français à refuser l'adoption plénière d'enfants vietnamiens. Une circulaire du ministère de la justice, adressée en février 1999 à tous les parquets, recommandait la plus extrême prudence dans le prononcé d'adoptions concernant les enfants en provenance de pays non signataires de la Convention de La Haye de 1993, que la France a ratifiée en 1998, mais pas le Vietnam.

Pour sortir de l'impasse, une convention était signée par les deux pays en février 2000, qui clarifie la procédure d'adoption au Vietnam : conditions de recueil du consentement à l'adoption des parents biologiques des enfants ; création d'une autorité centrale chargée de garantir la régularité des démarches ; obligation, pour les candidats français, de passer par la Mission de l'adoption internationale (MAI), qui transmet ensuite les dossiers à son nouvel homologue vietnamien. Fin octobre 2000, l'ambassade de France au Vietnam annonçait que les adoptions pourraient reprendre le 1er novembre de la même année, date d'entrée en vigueur de cette convention bilatérale.

"Phénomène d'accumulation"

Six mois après cette date, pourtant, les dossiers français demeurent bloqués. "La convention internationale a été négociée en un temps record, et les Vietnamiens ont sorti rapidement les textes d'application, faisant preuve de beaucoup de bonne volonté", insiste Serge Degallaix, l'ambassadeur de France, qui reconnaît néanmoins un "problème de démarrage, avec le phénomène d'accumulation". Après deux années d'arrêt des adoptions, l'ambassade a reçu depuis le début de l'année quelque 1 100 demandes. Et le stock continue de grossir d'une centaine de nouveaux dossiers par semaine. La nouvelle procédure peine à se mettre en route, "d'autant que la France a tardé à apporter une aide technique, et que se pose un problème de partage de compétences entre le ministère de la justice vietnamien et les comités populaires, sortes de gouvernements des provinces, en charge de l'adoption", souligne Danielle Housset, présidente de l'association Enfance et familles d'adoption (EFA). Animée par deux personnes, la nouvelle autorité centrale vietnamienne est tout aussi submergée que l'ambassade de France : sur les 1 100 dossiers reçus, cette dernière n'en a pour l'instant transmis que 250 au ministère de la justice vietnamien. Une lenteur qui risque, selon EFA, de pousser les adoptants à recourir à nouveau à des intermédiaires douteux, avant même la mise en place effective de la convention.

Ségolène Royal, se fixant l'objectif d'"un dossier sur trois débloqué avant l'été", a donc annoncé lundi 7 mai le renforcement des moyens de la MAI, et la mise à disposition de l'ambassade de France de 600 000 francs en provenance du ministère de la famille et du Quai d'Orsay. "La volonté de la France de moraliser l'adoption internationale, dit-elle, ne doit pas se retourner contre les adoptants français. Les autorités vietnamiennes souhaitaient tout autant que nous mettre fin aux abus." Plus directement encore que la ministre, la présidente d'EFA évoque l'"enjeu financier", qui favorise actuellement les couples d'adoptants américains : "Dans la convention, les frais de procédure pour les candidats français sont fixés à 500 francs. Auparavant, les adoptants versaient très officiellement jusqu'à 5 000 francs."

Par Pascale Krémer - Le Monde, le 9 Mai 2001.