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Gallimard devant la justice pour "Riz noir": fiction ou histoire volée

Oeuvre de fiction ou histoire volée: le tribunal de Paris a examiné mardi la plainte d'une rescapée du bagne vietnamien de Poulo Condor contre l'écrivain Anna Moï, auteur du livre "Riz noir" publié chez Gallimard.La troisième chambre civile du tribunal a plongé au coeur du conflit vietnamien l'espace de quelques heures pour examiner le différend qui oppose deux ex-amies, Thieu Thi Tan (51 ans) et Anna Moï (49 ans).

La première, ex-militante communiste et historienne, accuse la seconde, romancière et ex-styliste chez Agnès b., d'avoir publié un livre qui serait basé sur son témoignage sans lui attribuer le statut de co-auteur.Publié fin avril et tiré à environ 10.000 exemplaires, "Riz noir" est dédié à Tan et à sa soeur Tao.Dénoncée pour avoir posé une bombe au quartier général de la police, Tan a été arrêtée en 1969 à la sortie de son lycée en compagnie de sa soeur. Elles ont toutes deux été emprisonnées au bagne de Poulo Condor, au large de Saïgon, jusqu'en 1974.Le "riz noir" - du riz mélangé avec du sable et couvert de mouches, était l'un de moyens utilisés à Poulo Condor, célèbre pour ses "cages à tigres", pour tuer à petit feu les prisonniers.

Ce livre "retrace un vécu, il n'est pas une oeuvre d'imagination mais une oeuvre d'appropriation sans autorisation", a accusé Me Marie-Anne Gallot Le Lorier, l'avocate de Thieu Thi Tan qui affirme avoir longuement raconté sa vie à Anna Moï.Si on supprime son récit du livre "il n'y a plus rien", s'est-elle exclamée."La trahison est énorme", a ajouté l'avocate qui demande notamment l'interdiction du livre sous le seul nom d'auteur d'Anna Moï, le versement de la moitié des droits d'auteur (une somme provisionnelle de 100.000 euros) et des dommages-intérêts pour sa cliente d'environ 150.000 euros pour "contrefaçon des droits d'auteur" et "atteinte à la vie privée".Elle a invoqué une "jurisprudence constante" qui reconnaît la qualité de co-auteur à l'interviewée.S'appuyant lui aussi sur une jurisprudence vieille de 107 ans et qui remonte au roman de Jules Verne "Face au drapeau", l'avocat de l'écrivain, Laurent Merlet, a rappelé que "le roman peut s'inspirer de faits réels", soulignant que Tan et Tao étaient des "personnages notoirement connus au Vietnam".

Thieu Thi Tan "voudrait être l'auteur de sa vie" mais "elle ne l'est pas plus que Jacques Mayol est l'auteur du +Grand Bleu+ ou l'abbé Pierre celui d'+ Hiver 54+", a lancé l'avocat, l'accusant de vouloir être "l'auteur de toute l'histoire du Vietnam".Tout en reconnaissant que le début du livre était inspiré de l'histoire des deux soeurs, il a estimé que "le coeur de l'ouvrage est le récit d'une famille qui n'existe pas", "fruit de l'imagination d'Anna Moï", de "sources historiques et littéraires".Il a enfin reproché à la plaignante des témoignages vagues et imprécis et de ne pas avoir produit les notes ou les enregistrements attestant de son récit.Le jugement a été mis en délibéré au 19 octobre.

Agence France Presse - 29 Juin 2004.