Rajeunissement et recentrage en vue au Vietnam
Lors du congrès du Parti communiste, le secrétaire général,
conservateur, devrait céder sa place à un centriste. L'aide
annoncée par le FMI et la Banque mondiale constitue un
encouragement à poursuivre les réformes.
HANOI - Le Kha Phieu, homme fort du Vietnam et secrétaire général du
Parti communiste, doit laisser sa place à l'occasion du IXe congrès
du PC qui débute aujourd'hui, pour quatre jours, à Hanoi. Les
quelque 1.170 délégués communistes ne se rencontrent ainsi que
tous les cinq ans pour élire le comité central, qui désigne à son
tour le bureau politique, qui choisit finalement le secrétaire général
du parti. Mais, contrairement aux réunions d'habitude bien huilées
et dont l'issue est décidée d'avance, le congrès promet cette année
d'être musclé. Les très importantes réunions préparatoires se sont
multipliées, donnant tour à tour Le Kha Phieu, soixante-dix ans,
perdant puis gagnant. Un dernier retournement de situation s'est
opéré lundi, quand un vote secret aurait élu le comité central sans
que le nom du secrétaire général n'apparaisse officiellement.
Renseignements politiques. Considéré comme conservateur,
celui-ci est accusé de n'avoir pas su développer le pays durant les
cinq dernières années, d'avoir perdu le contact avec une société de
plus en plus moderne et, surtout, d'avoir imposé ses hommes aux
postes clés de façon despotique et d'avoir utilisé les
renseignements politiques contre les membres du bureau politique.
Pourtant, une série de bonnes nouvelles économiques est arrivée
ces dernières semaines. Coup sur coup, le FMI et la Banque
mondiale ont décidé d'accorder deux prêts de 368 millions et 250
millions de dollars. « Les choses bougent, c'est long, mais on y
arrive », estime un économiste. L'an dernier, un traité bilatéral de
commerce avec les Etats-Unis a été signé, bien que le congrès
américain ne l'ait pas encore ratifié à cause des entorses régulières
à la liberté de culte au Vietnam. Enfin, une Bourse a très
symboliquement été ouverte l'été dernier. Résultat, la croissance
est au rendez-vous : 6,7 % en 2000 selon le gouvernement, 5,5 %
selon le FMI. Sur cinq ans, la hausse serait de 6,94% par an, selon
les statistiques officielles.
Mais malgré le probable remplacement du secrétaire général et
malgré les bonnes nouvelles économiques, il ne faut pas attendre
de changement profond et rapide dans les années à venir,
préviennent les spécialistes. Ainsi, le possible successeur de Le Kha
Phieu serait l'actuel président de l'Assemblée nationale, Nong Duc
Manh. Cet homme de soixante ans n'est pas un réformateur mais
un centriste réputé pour savoir faire émerger les consensus.
Corruption. « C'est justement cette technique du consensus qui
montre ses limites au niveau économique, analyse un banquier
occidental. Le gouvernement n'a pas le pouvoir de passer en force.
» C'est pourquoi l'effervescence des investisseurs dans les années
1990-1995 est retombée. La lenteur administrative, la corruption
généralisée, les très nombreuses et inefficaces entreprises d'Etat
ont calmé les ardeurs. Il faudra de nombreuses années avant de
voir ce pays encore très rural être vraiment sur le point de décoller
: à en croire les journaux officiels, la récolte de riz dans le centre
du pays est trop faible cette année et les paysans risquent à
nouveau de connaître la faim.
Par Eric Albert - La Tribune, le 19 Avril 2001.
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