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L'Agent Orange ravage encore le Vietnam

Que fera après le 2 novembre le président américain pour les victimes des défoliants à base de dioxine?

rente ans après le départ du dernier GI de Saigon, jamais une campagne présidentielle aux Etats-Unis n'aura usé de la référence à la guerre du Vietnam qui, aux yeux de l'opinion américaine, demeure son unique défaite militaire et sa plus grande déchirure politique. Mais pour plus d'un million de Vietnamiens, ce passé matraqué à coups de spots publicitaires a un goût amer, plus exactement un fort relent d'odeur chimique. Un million d'hommes, de femmes et d'enfants, tous victimes de la plus grande guerre chimique menée au XXe siècle. 82 millions de litres de défoliants, dont le tristement célèbre Agent Orange, contenant de la dioxine, ont été déversés sur le Vietnam entre 1961 et 1972 et y ont laissé des traces indélébiles: malformations multiples chez les nouveau-nés, cancers, maladies de la peau, atteintes aux systèmes immunitaire, reproductif et nerveux... Des centaines de milliers de cas ont été étudiés puis considérés comme directement liés à la dioxine. Pire, la dioxine étant particulièrement stable, les sols, l'alimentation et les habitants de certaines régions sont encore contaminés, si bien que le Vietnam connaît aujourd'hui une troisième génération d'enfants touchés par cet écocide.

En 1984, les vétérans américains exposés à l'Agent Orange ont déposé une plainte contre Dow Chemical, Monsanto et les autres fabricants de produits chimiques. Cette action a ébranlé le système de défense de l'industrie chimique et conduit cette dernière à verser 180 millions de dollars aux rescapés. L'arrangement mit un terme à la procédure judiciaire. Vingt ans après, pour la première fois dans l'histoire de la justice américaine, une plainte émanant de victimes vietnamiennes et visant 37 industriels chimistes a été déposée auprès de la Cour fédérale de New York. Ayant déjà été repoussée à la demande des industriels pour mieux préparer leur défense, une audience préliminaire du procès devrait se tenir le 3 novembre, soit le lendemain de l'élection présidentielle.

Rien ne dit si cette plainte permettra aux victimes vietnamiennes d'atteindre leur but, à savoir la reconnaissance de la responsabilité de l'industrie chimique, mais la mobilisation en faveur des victimes a d'ores et déjà commencé. Signée par plus de 800 000 personnes, une pétition a été adressée au président George W. Bush, au sénateur John F. Kerry, au secrétaire général des Nations unies, Koffi Annan, à W. Stavropoulos et H. Grant, respectivement présidents de Dow Chemical Co. et de Monsanto (1). En France, une lettre ouverte rédigée par un collectif d'associations à l'attention des deux candidats à la présidentielle américaine a réuni plus de 10 000 signataires, pour la plupart de personnes qui n'étaient même pas nés au moment du conflit. (2).

Contrairement au président Bush, son adversaire démocrate est sensible au problème de l'Agent Orange, du moins si l'on en croit ses déclarations (dans l'hebdomadaire Newsweek en mars 2004). Il l'était déjà, en 1999 et en 2001, lorsque certains vétérans le sollicitèrent pour obtenir un soutien dans leur action en justice. En 1996, le président Bill Clinton reconnut devant l'Académie des sciences le caractère héréditaire de certaines maladies dues à l'Agent Orange et permit le versement de nouvelles indemnités aux enfants des vétérans américains. Quelques années plus tard, il se rendait au Vietnam, ouvrant de nouvelles perspectives dans les relations entre les deux nations.

S'il est élu, John. F. Kerry aura-t-il la volonté d'aller plus loin ? En ce cas, il serait le premier président américain à faire un geste à l'égard des victimes vietnamiennes. Sans doute aura-t-il fort à faire en Irak, pour éviter que le conflit ne devienne un nouveau Vietnam pour l'Amérique. Mais, hasard de l'Histoire, ce geste, que nous espérons tous, aura un retentissement planétaire.

(1)www.petitiononline.com/AOVN/ - (2)www.vietnam-dioxine.org/lettre.php

Par Minh Nguyen consultant, Tap Ha Duong chercheur et Vu Hai Ho statisticien, membres du collectif Vietnam-dioxine.- Libération - 22 Octobre 2004.


Agent orange: Monsanto et autres sociétés américaines sur la sellette

LONDRES - L'Association d'amitié anglo-vietnamienne a demandé dans une lettre à la direction de la compagnie américaine Monsanto de reconnaître ses responsabilités et de réparer les torts causés aux victimes vietnamiennes par ses herbicides toxiques déversées durant la guerre du Vietnam. La lettre, en date du 1er octobre 2004 et destinée au président et directeur général de Monsanto, Hugh Grant, fait suite à deux autres déjà envoyées par l'Association au président américain George W. Bush et au secrétaire général des Nations unies Kofi Annan.

"Vous êtes nés juste trois ans avant que les troupes américaines commencèrent en 1961 de larguer des produits chimiques sur le Sud Vietnam, et âgé de quatorze ans quand le répandage prit fin en 1972", a écrit le secrétaire de l'Association à M. Grant. "Durant ces onze ans quand vous étiez encore garçon et alla à l'école, les produits chimiques que Monsanto, Dow et d'autres compagnies avaient fabriqué étaient utilisés pour détruire les forêts, contaminer la terre, les lacs, et ruisseaux et rivières du Sud Vietnam", a-t-il dit. "Mais M. Grant, un crime plus odieux que le précédent était les morts agonisantes que les produits chimiques ont provoquées à plusieurs milliers de Vietnamiens innocents, y compris les jeunes qui avaient à l'époque votre âge de 14 ans", a-t-elle poursuivi.

En réalité, les faits remontent à la guerre du Vietnam. Entre 1961 et 1971, les troupes américaines ont largué sur le Vietnam quelque 80 millions de litres de désherbants. L'un des défoliants les plus efficaces fut baptisé "agent orange". L'agent orange a un défaut: il contient un poison redoutable, la dioxine, bien connue pour prodiguer diverses joyeusetés telles que cancers, malformations congénitales, diabètes, etc. Ces dioxines ont aussi le fâcheux inconvénient de se conserver plusieurs décennies dans le sol, l'eau.

"Vous pourriez ne pas avoir su en tant qu'un garçon de 14 ans que la compagnie à laquelle vous avez participé en 1981, neuf ans après la fin du répandage, a causé la mort de plusieurs Vietnamiens et laissé un si grand nombre d'autres souffrir de diverses maladies et infirmités", a poursuivi la lettre. "Mais M. Grant, vous auriez été sûrement au courant et devriez l'être en 1981. Certainement, en 1984, vous saviez qu'en cette année-là, les vétérans américains de la guerre du Vietnam avaient poursuivi votre compagnie et d'autres devant un tribunal à New York pour les dommages terribles causés à eux et leurs familles par l'agent orange. Le juge a décidé que Monsanto devait payer une grosse part de 180 millions de dollars d'indemnité à ces vétérans."

Le secrétaire de l'Association a rappelé qu'"en janvier 2004 a commencé un autre procès contre votre compagnie et d'autres intenté par les Vietnamiens gravement malades à cause de l'agent orange. Derrière eux sont trois millions de Vietnamiens qui étaient aussi sérieusement touchés par les produits chimiques fabriqués par votre compagnie." "Durant mes visites au Vietnam, j'ai vu et rencontré plusieurs victimes de l'agent orange. J'ai aussi témoigné des impacts sur leur famille. L'an 2004, 32 ans après la fin du répandage, j'ai rencontré les enfants âgés de 10 mois aux adultes de 25 ans, malades avec les infirmités trop douloureuses pour voir, encore moins pour les subir, et causées, M. Grant, par les produits chimiques de votre compagnie", a-t-il fait savoir.

Selon le secrétaire de l'Association, "au moment où cette lettre est écrite, 610.000 personnes dans plusieurs pays ont signé une pétition en ligne appelant à rendre justice aux victimes de l'agent orange et à les dédommager. La pétition et leurs signatures peuvent être vus à l'adresse http://petitiononline.com/AOVN/." "Que je termine en vous en adressant un appel. Monsanto en tant que la première compagnie dans ce procès peut montrer l'exemple qu'avec bon espoir les autres compagnies impliqués dans ce procès iraient suivre", a-t-il déclaré. "Accepter les responsabilités concernant les produits chimiques fabriqués par votre compagnie et utilisés par le gouvernement des Etats-Unis durant leur guerre du Vietnam. S'engager à verser des dédommagements aux actuels et futurs victimes de l'agent orange etc, et à leurs familles", a-t-il appelé. "Convenir de mettre en place des moyens de recherche au Vietnam pour étudier et chercher une solution aux impacts sur le long terme de l'agent orange et d'autres produits chimiques utilisés. Convenir de financer la création des centres médicaux dans les régions approuvées du Vietnam. Convenir d'aider à assainir des régions contaminées dans le Sud Vietnam," a-t-il ajouté.

Le procès des fabricants de l'agent orange se tiendra en fin de l'année dans l'Etat de New York. L'Etat américain réfute toujours toute responsabilité, étant protégé par une loi interdisant tout procès concernant des actes commis lors d'opérations militaires.

Agence Vietnamienne d'Information - 22 Octobre 2004.