Les rats, ennemis numéro un de la production agricole
HANOI - Les rats, qui provoquent des
dizaines de millions de dollars de dégâts chaque année
et se multiplient rapidement, sont considérés comme les ennemis numéro un
de la production agricole au Vietnam, deuxième pays exportateur mondial de
riz.
Les superficies de cultures rizières et auxiliaires (maïs, soja, manioc et
patate douce) ravagées par les rats augmentent chaque année: 262.000
hectares en 1996, 573.000 hectares en 1997 et 677.000 hectares l'an
dernier, selon un bilan officiel du ministère de l'Agriculture et du
Développement rural.
"Les rats ravagent généralement de 5 à 10% de la production agricole, en
fonction des régions. Ils constituent de fait la première menace pour nos
agriculteurs", estime M. Ngo Tien Dung, responsable du Département de la
protection végétale du ministère.
L'an dernier, les rats avaient fait au moins 50 millions de dollars de
dégâts, une estimation largement supérieure à celle causée par les insectes
de toute sorte, ajoute le responsable.
Près de 200 tonnes de produits chimiques et biologiques anti-rats ont été
utilisés en 1998 au Vietnam mais ces produits ont également provoqué la
mort de poissons, crevettes et crabes vivant dans des rizières et dont la
survie est déjà fortement menacée par les insecticides, explique M. Dung.
"La situation s'est encore aggravée du fait de l'arrivée depuis 1996 de 4
millions de rats dans le delta du Mékong (sud) en provenance du Cambodge",
estime pour sa part Bui Ba Bong, directeur de l'Institut des recherches sur
le riz basé à Cân Tho, l'une des 12 provinces du premier "grenier à riz" du
pays.
Selon M. Bong, le bilan officiel faisant état de 179 millions de rats tués
en 1998, contre 55 millions l'année précédente, traduit l'ampleur du
phénomène.
"La multiplication rapide des rats est due à un environnement climatique
favorable et à un déséquilibre écologique provoqué par la destruction
massive des chats, serpents et oiseaux capables d'exterminer les rongeurs",
explique M. Bong.
"Le taux de naissance des rats est toujours plus important que celui des
rongeurs exterminés. Les rats sont devenus de plus en plus malins", avertit
le directeur qui doute de l'efficacité des mesures appliquées,
essentiellement les pièges.
Conscient de cette "épidemie", le gouvernement a promulgué l'an dernier une
directive sur les mesures "urgentes" destinées à tuer les rats, à laquelle
s'ajoutent 67 circulaires lancées dans plusieurs provinces où des "Comités
chargés des campagnes de dératisation" ont été créés.
Des millions de paysans et d'écoliers ont été mobilisés dans ces campagnes.
Dans des localités, les autorités ont encouragé les habitants à tuer les
rats en leur rachetant chaque queue de cet animal à un prix variant de 300
à 500 dongs (0,02 et 0,04 cent) ou les ont appelés à apporter une
contribution financière à la création des "Fonds pour la dératisation".
Le gouvernement a par ailleurs ordonné depuis l'an dernier la fermeture de
tous les restaurants servant à leurs clients du chat et du serpent,
prédateurs naturels des rats, et les pouvoirs provinciaux ont subventionné
l'élevage de chats et de pythons par les paysans. Mais ces campagnes
semblent avoir peu d'effet.
"Tant que les chats et les serpents figureront au menu des restaurants, les
rats continueront à +danser+ dans nos champs de riz", assure Vu To Ba,
paysan d'un village près de Hanoï. "Peut-être devrons-nous un jour manger
aussi les rongeurs pour préserver nos cultures", s'interroge Vu To Ba.
AFP, le 6 Juin 1999.
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