Les paysans vietnamiens: plus de production, plus d'inquiétude
HANOI - Les paysans vietnamiens sont confrontés à un problème inédit: plus leurs récoltes
s'améliorent, plus ils ont de difficultés à écouler leurs produits, un phénomène inimaginable pour eux il y a
encore dix ans.
La mévente des produits agricoles préoccupe aussi les députés qui ont longuement débattu de cette question lors d'une session
de l'Assemblée nationale dont les travaux viennent de prendre fin à Hanoi.
"Les prix du café et du riz ont respectivement baissé de 42% et de 14% depuis le début de l'année, rendant beaucoup plus
difficile l'exportation de nos produits agricoles", a averti le vice-Premier ministre Nguyen Tan Dung au cours de cette session.
De bonnes récoltes de riz et de café ont été successivement obtenues, notamment dans le delta du Mékong (sud) et celui du
"Fleuve rouge" (nord), deux "greniers à riz" du pays, mais leur mévente provoque le désespoir des cultivateurs.
"Une priorité du gouvernement est de réduire l'inquiétude croissante des paysans", qui représentent près de 80% de la
population (77 millions d'habitants), écrivait la semaine dernière l'éditorialiste du journal Nhan Dan, organe du Parti communiste
vietnamien.
Des millions de tonnes de riz, de café et de sucre-- les trois principaux produits agricoles du pays destinés à l'exportation--
restent invendables et doivent être stockés.
Le ministère de l'Agriculture et du Développement rural a ainsi demandé au gouvernement de stocker 35.000 des 60.000
tonnes de café ne pouvant pas être exportées du fait de la chute des cours sur le marché mondial et de consacrer un budget
d'un demi-million de dollars pour subventionner les cultivateurs de café.
La valeur des exportations du riz vietnamien a baissé de 53,8% au cours des 5 premiers mois de l'année par rapport à la même
période de 1999 en raison d'une chute générale des prix sur le marché mondial, entraînant la baisse des revenus des paysans
vietnamiens.
De plus, certains pays de la région tels que la Malaisie, l'Indonésie et les Philippines ont réduit cette année leurs importations de
riz vietnamien, tandis que la Chine, grand voisin du Vietnam, a augmenté durant cette période ses exportations de riz.
"Nous avons produit plus de riz et de café mais nous sommes faibles en marketing et en prévisions des marchés extérieurs", a
récemment expliqué le vice-Premier ministre Nguyen Cong Tan.
M. Tan a mis l'accent sur le "réajustement" de la structure de l'agriculture vietnamienne nécessitant une réduction des superficies
de culture, une sélection des plantes et l'amélioration de leur qualité.
Importateur de riz avant 1989, le Vietnam a pu exporter 3,5 millions de tonnes de riz en 1996, 3,6 M tonnes en 1997, 3,8 M
de tonnes en 1998 et 4,5 M de tonnes en 1999 en dépit des graves intempéries, devenant le 2e exportateur de riz mondial,
derrière la Thaïlande.
Mais sa production n'est pas basée sur les demandes du marché international et elle dépend lourdement de la protection et du
monopole de l'Etat.
"Le gouvernement est toujours responsable des paysans (...), mais la production agricole doit s'orienter désormais plus vers
l'exportation que vers la consommation intérieure", a affirmé début juin le Premier ministre Phan Van Khai en demandant la
recherche de nouveaux marchés extérieurs.
M. Khai a par ailleurs lancé jeudi dernier une directive comprenant une série de mesures devant être prises en charge par
plusieurs ministères concernés afin d'orienter la structure de la production agricole vers une meilleure exportation des produits.
"Il faut une intervention appropriée de l'Etat pour faciliter l'exportation des produits agricoles", a souligné à l'AFP un
responsable du ministère du Commerce, Nguyen Van Chi, qui estime le Vietnam pourrait exporter cette année 3-3,5 millions
de tonnes de riz.
Agence France Presse, le 19 Juin 2000.
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