~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
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Le Vietnam tente de mettre de l'ordre dans sa procédure d'adoption

Après une période faste dans les années 90, l'adoption des enfants vietnamiens par les étrangers est apparue en grande partie gangrénée par les trafics et la corruption, avant d'être soumise aujourd'hui à des textes que les experts espèrent efficace. Incertitudes sur le destin des enfants, mensonges à leurs parents d'origine, intermédiaires marrons, sommes astronomiques: à la fin des années 1990, l'adoption au Vietnam était apparue comme un business parfois nauséabond.

Aujourd'hui, un cadre légal se met en place. Conformément à un décret de juillet 2002 entré en vigueur en janvier, seuls les pays signataires d'une convention avec le Vietnam peuvent adopter des enfants, généralement des nourrissons abandonnés par leur mère faute de pouvoir les nourrir. La France avait signé en février 2000 un accord de ce type, et reste à ce jour l'unique pays dans ce cas, mais d'autres sont en cours de négociations, notamment avec les Etats-Unis, l'Italie, la Suède et le Danemark.

Les familles françaises recueillaient près de la moitié des petits Vietnamiens adoptés par les étrangers dans les années 90. Mais en avril 1999, Paris a suspendu les adoptions. Des pratiques "inquiétantes" -faux documents d'état civil, rapt, offre d'achat de nouveaux-nés, "faux orphelins"- avaient été découvertes, les tarifs atteignant parfois 10.000 dollars (équivalent euros) par enfant, selon un rapport parlementaire français.

"Les Français débarquaient au Vietnam et faisaient leur +shopping+. Mais au retour, ils devaient faire valider l'adoption plénière par un tribunal français. Et les documents réclamés étaient impossibles à fournir ou manifestement faux", se souvient un proche du dossier. Depuis l'an passé, les adoptions ont repris. Quelque 90 enfants vietnamiens ont été adoptés par des familles françaises en 2002 et 1.400 dossiers sont à l'étude.

"La convention avec la France est un modèle du genre", indiquait récemment le ministre vietnamien de la Justice, Uong Chu Luu. "Les droits français et vietnamiens interdisent les adoptions soumises à un paiement direct car il y a un risque de trafic d'enfants, alors que l'adoption a une vocation humanitaire", rappelait-il.

Pour la première fois, le décret de juillet 2002 souligne la prééminence des intérêts de l'enfant et permet le rejet d'une demande s'il existe un risque d'exploitation du travail infantile, "d'abus sexuels" ou de "tout autre agissement lucratif". Certains intervenants regrettent que le Vietnam n'ait pas ratifié la Convention de l'adoption internationale de la Haye de 1993. Beaucoup soulignent pourtant ses progrès.

"Le Vietnam ne dispose pas d'un système juridique assez performant (pour se conformer au texte). Mais la législation vietnamienne reflète la convention", estime un diplomate occidental. "Il y a tellement de gens ici qui veulent faire de l'argent sur ce dossier qu'on ne peut empêcher toute corruption. Mais le Vietnam montre qu'il aborde le problème avec sérieux". De fait, la justice a démantelé ces dernières années des réseaux dont les "stocks" atteignaient parfois les 200 enfants.

En mai 2002, deux Vietnamiennes avaient été condamnées à 5 ans de prison pour avoir "acheté" trois nourrissons au prix de 15 dollars chacun à leurs mères démunies. Elles avaient "revendu" deux petites filles à un ressortissant français pour 800 dollars, et "donné" le troisième bébé, séropositif, à des mendiants de l'ex-Saïgon. En août, huit personnes dont un officer de police, avaient écopé de 12 ans d'emprisonnement pour le trafic de 36 enfants vers la France, entre janvier 1996 et février 1998.

Par Didier Lauras - Agence France Presse - 20 Février 2003.