Il y a 50 ans dans "Le Monde", La paix possible au
Vietnam
PARIS - « Nous sommes enfin sortis du tunnel », a dit à
Saïgon le ministre de la France d'outre-mer,
M. Paul Coste-Floret. Malheureusement nous ne
sommes pas encore sortis de la guerre. Un grand
pas cependant devrait ête fait vers l'apaisement.
La France a tenu ses promesses. L'indépendance de
l'Etat du Vietnam dans le cadre de l'Union
française est assurée. Nous voudrions que l'on ne
négligeât point ce « cadre de l'Union française »
et pas davantage les articles 61 et 62 de la
Constitution. Aussi bien M. Vincent Auriol,
président de l'Union, les a-t-il implicitement
rappelés dans le noble et généreux message adressé
à l'empereur Bao Daï.
Aucune équivoque n'est plus possible. Les
revendications nationales du peuple vietnamien
telles qu'elles furent énoncées par l'empereur,
telles qu'elles étaient précisées par le
« gouvernement de fait Ho Chi Minh », vont être
satisfaites. Ce n'est pas d'ailleurs la France qui
a changé. Ce cadre de l'Union française, qu'il
acceptait naguère, Ho Chi Minh le rejette. C'est
bien l'éviction totale de la France qu'il prétend
obtenir par la force. Mais veut-il même
l'indépendance totale de son pays ? Nullement. Il
n'y a pas d'isolement possible pour le Vietnam. Ce
pays que la France avait rendu prospère serait
fatalement conduit, comme l'écrit encore
M. Auriol, vers d'autres fins que nous connaissons
trop et que ne peuvent ignorer les partisans, en
France même, de négociations exclusives avec le
chef communiste du Vietminh.
La guerre du Vietnam ne peut devenir un sanglant
épisode de la guerre froide qui se livre dans le
monde. (Rémy Roure, le 10 août 1949.)