~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
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Un marché du poivre très aléatoire

C’était un rite. Aux alentours du 15 janvier, ces dernières années, l’un des grands négociants européens du marché du poivre, le hollandais Man Producten adressait à ses clients son rapport annuel. Ce rapport analysait la situation des principaux pays producteurs. Mais cette année, rien, pas de rapport à l’horizon. Chez Man Producten, aux Pays-Bas, un petit rire nerveux secoue les interlocuteurs quand on les interroge sur la date de publication du précieux document. En fait, tout le monde le sait, Man Producten ne publiera pas de rapport cette année et probablement plus jamais. Car ces dernières années, le document a fait des dégâts.

En 2002 et 2003, la compagnie hollandaise avait annoncé une énorme production au Vietnam. «Nous sommes en situation de surproduction, écrivait Man Producten en janvier 2003. Les prix vont baisser». Sur la foi de cette assertion, la compagnie hollandaise et d’autres, assez moutonniers, se sont empressées de vendre du poivre à des clients européens avant de l’avoir acheté. «On vendait à 1 250 dollars la tonne pour une livraison à deux ou trois mois. Et comme les prix allaient baisser, on attendait le dernier moment pour acheter aux Vietnamiens. On avait vendu à 1 250, on allait acheter à 1 100 dollars la tonne. C’était 150 dollars dans la poche».

Oui, mais voilà, rien ne s’est passé comme prévu. Car à la fin janvier 2003, le poivre vietnamien annoncé et déjà vendu aux industriels européens de l’alimentaire n’était toujours pas livré par les paysans vietnamiens. Les cours commencèrent donc à monter. Et comme à la fin février, les quantités attendues n’étaient toujours pas là, les cours montèrent encore. Au bout de quelques semaines, la tonne de poivre valait 1 600 dollars. Les Européens l’avaient vendu à 1 250, pensant faire un bénéfice. Mais sur chaque tonne vendu, ils perdaient près de 400 dollars. «La qualité de la récolte était mauvaise dit un expert. Les Vietnamiens n’ont pas pu exporté tout ce qu’ils avaient produit.» Mais Man Producten ne l’avait pas vu venir. Et préfère aujourd’hui se taire.

Par Jean Pierre Boris - Radio France Internationale - 16 Janvier 2004