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Cinquante ans après Dien Bien Phu, la France cherche sa place au Vietnam

Cinquante ans après la bataille de Dien Bien Phu, le Vietnam a depuis longtemps tiré un trait sur la période coloniale et tente de se construire un avenir, dans lequel la France, premier partenaire européen du pays, se bat pour y maintenir son rang. L'anniversaire de la victoire vietnamienne n'y changera rien: ce qui intéresse les deux capitales se compte en aide au développement, échanges commerciaux et investissement.

Les chiffres sont, à cet égard, assez flatteurs: en données cumulées depuis 1988, la France est le sixième investisseur étranger au Vietnam et le premier européen avec un total de 2,1 mds de dollars (environ 1,7 milliards d'euros). La majorité des grands groupes français sont pourtant absents. Et de plus en plus, c'est la Chine qui attire les entrepreneurs en quête d'espaces. "Pour l'année 2003, la France est classée 21ème investisseur, entre l'Ukraine et Brunei", constate froidement Nicolas Audier, du cabinet d'avocats Gide Loyrette Nouel à Hanoï. Paris est aussi le premier donateur européen au Vietnam, avec une enveloppe de prêts et de dons de 77,1 millions d'euros en 2002 qui implique une multitude d'acteurs (ministères, instituts de recherche, universités, collectivités locales). "Ce foisonnement d'acteurs rappelle ce que fait le Japon. Sauf que Tokyo représente un tiers de l'aide au Vietnam et que la France en fait environ 3%", note un observateur français qui préfère conserver l'anonymat.

Les atouts de la France dans son ancienne colonie ne sont pas négligeables, en particulier dans des domaines pointus tels que la recherche, les télécoms, l'aviation, la santé, l'éducation. Mais Paris n'est pas une priorité pour le Vietnam.

Lors de la visite fin février du ministre de la Coopération Pierre-André Wiltzer, le Secrétaire général du Parti communiste vietnamien (PCV, au pouvoir), Nong Duc Manh, a déclaré que la France était "un des partenaires européens clés" du pays. Soit, bon an mal an, un discours réservé à la plupart des délégations étrangères. Si Paris s'est félicitée que son ministre soit reçu par le numéro un vietnamien, nul ne se berce d'illusions. "Vu de Paris, la France pèse sur les choses. Vu d'ici, elle n'est qu'un des nombreux partenaires du Vietnam", souligne l'observateur.

Côté francophonie, la langue française véhicule toujours une image très positive de culture et de science. Mais l'impact concret est assez limité. Très peu de Vietnamiens apprennent aujourd'hui le Français. Reste l'influence politique. Paris s'interroge sur la meilleure façon de peser sur le cours des choses, dans un pays plus enclin à regarder vers les grandes puissances qui comptent, les Etats-Unis et la Chine.

Les visites ministérielles se succèdent, et le président Jacques Chirac doit venir à Hanoï en octobre prochain, avant le sommet Asie-Europe (ASEM). Son voyage représentera la troisième visite d'Etat française en dix ans au Vietnam, après celle de novembre 1997 pour le sommet de la Francophonie, et le voyage de François Mitterrand en 1993 au cours duquel il s'était rendu à Dien Bien Phu. "La conception française d'un monde multipolaire, fort de sa diversité culturelle, et le libéralisme tempéré par l'intervention de l'Etat sont des conceptions qui conviennent bien aux dirigeants vietnamiens", assure l'observateur français. Le passé colonial ne pèse ni dans un sens ni dans l'autre.

"Aucune position n'est acquise définitivement. Quand à Dien Bien Phu, c'est un mythe fondateur pour le Vietnam mais ce n'est pas une blessure qui saigne entre les deux pays", résume-t-il.

Par Didier Lauras - Agence France Presse - 11 Mars 2004.