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Le piratage, une industrie florissante au Vietnam

HO CHI MINH VILLE - Trouver une copie des derniers logiciels de Microsoft ou d'un cédérom de National Geographic ne pose aucun problème à Ho Chi Minh-ville, la capitale économique du sud du Vietnam.
"Nous pouvons tout copier pour vous", affirme Tran Dinh Quoc Dinh, un diplomé en informatique qui vient d'ouvrir sa boutique au centre de l'ex-Saïgon.

Si rien de ce qui figure en rayon ne vous convient, M. Dinh promet de réaliser en 24 heures une copie de ce que vous recherchez, et il admet volontiers que son commerce florissant est totalement illégal.
"Bien sûr, je suis au courant des accords sur le droit de reproduction, mais cela ne m'inquiète absolument pas", affirme-t-il en faisant référence à l'accord signé en décembre dernier avec les Etats-Unis.

Bien que cet accord bilatéral soit censé protéger les oeuvres artistiques ou les produits américains des professionnels du piratage tels que M. Dinh, les autorités vietnamiennes n'ont pas agi jusqu'à présent pour le faire respecter.
Il est certain que dans un pays où les marchandises contrefaites couvrent toute la gamme des produits disponibles, des fausses chaussures ou T-shirts Nike aux sacs Vuitton et Prada pour le centième du prix de l'original, il est difficile de savoir par où entamer la répression.
"Si les autorités ferment 200 boutiques, 200 autres ouvriront le lendemain, ils ne peuvent rien faire", ajoute Dinh.
Cette attitude fait que le Vietnam a rejoint les premières places des pays leaders du piratage mondial.

Selon les estimations de l'Alliance internationale de la propriété intellectuelle (IIPA), 97% des logiciels disponibles au Vietnam en 1998 étaient des versions piratées, ainsi que 100% des films vidéo.
Pratiquement toutes les boutiques de la rue Huynh Thuc Khang, en plein centre ville, offrent des disques compacts piratés pour 25.000 dongs (1,75 dollars) ainsi que les derniers titres de Hollywood en cassettes ou en disque vidéo.

Le succès du moment est bien sûr le nouvel épisode de Star Wars, "La menace fantôme", qui était disponible, sous-titré en vietnamien, moins d'une semaine après sa sortie en salles aux Etats-Unis.
"Ils arrivent à tout copier, c'est illégal aux Etats-Unis, mais je ne crois pas que ce soit le cas ici", remarque Tri, un américain originaire du Vietnam qui fait provision de disques compacts tandis que trois policiers passent avec nonchalance devant la boutique.
Cette situation pourrait bientôt changer, estime Greg Buyhoff, spécialiste du droit de propriété au sein de la société d'avocats Baker and McKenzie, car les sociétés multinationales se préparent à entamer des actions en justice.

"C'est un grave problème pour ces sociétés et elles ont l'intention de faire valoir leurs droits", ajoute M. Buyhoff.
Vanessa Hutley, une avocate de Microsoft basée à Singapour estime pour sa part que l'accord bilatéral sur les droits de reproduction est une étape importante.
"Nous avons l'intention de profiter de la protection prévue par cet accord", précise-t-elle.

Mais des descentes de police ne régleront pas le problème si un efort n'est pas réalisé au niveau de la prise de conscience et de l'éducation, selon Mme Hutley qui souhaite que Microsoft travaille à un programme d'éducation en liaison avec les producteurs locaux de logiciels qui sont eux aussi victimes du piratage.

"Les entreprises étatiques sont parmi les plus importants pirates, le gouvernement vietnamien l'est donc aussi", affirme un avocat étranger qui note que l'accord signé avec les Etats-unis a déjà eu une conséquence positive: FAFILM, une société d'Etat, a arrêté de copier et de distribuer sur le marché des films étrangers piratés.

M. Buyhoff estime que des mesures plus radicales permettraient au Vietnam d'améliorer ses relations avec ses partenaires commerciaux, mais qu'il ne sera pas facile de convaincre les responsables chargés d'appliquer la loi.
"Pensez-vous qu'un policier corrompu puisse envisager les choses en termes de relations bilatérales?", s'interroge l'avocat.

AFP, le 10 Juin 1999.