L'hippodrome de Phu Tho fait rêver les parieurs de l'ex-Saïgon
HO-CHI-MINH-VILLE - Longtemps interdites par le
régime communiste, les courses de chevaux de l'hippodrome de Phu Tho à Ho
Chi Minh-Ville (sud) cristallisent les rêves de fortune des parieurs de
l'ex-Saïgon.
Des dizaines de milliers de spectateurs-parieurs se ruent chaque week-end à
l'hippodrome, seul établissement du genre au Vietnam et seul endroit où des
paris sont organisés par l'Etat depuis l'ouverture du pays à la fin des
années 80.
"La majorité des spectateurs sont des parieurs professionnels, ils viennent
ici pour satisfaire leur passion pour les jeux d'argent et leurs mises
dépassant souvent largement les sommes stipulées par l'Etat", affirme Vu
Van Ta, l'un des policiers chargés de la sécurité de l'hippodrome de
l'ex-Saïgon.
"Certains d'entre eux perdent des milliers de dollars en un seul après-midi
et d'autres ont dû vendre leur voiture ou leur maison à cause de leurs
mises énormes et frauduleuses", explique M. Ta en doutant du "caractère
sportif" de cette "activité de distraction".
Le pari maximum est officiellement fixé à 20.000 dongs (1,5 dollar) par
spectateur pour une course, et le gagnant ne peut théoriquement que
remporter un "grand prix" d'une valeur de 200 dollars. Mais des milliers de
parieurs n'hésitent pas à miser sous le manteau pour des sommes dont la
valeur totale peut atteindre des dizaines de milliers de dollars.
"Ici, toute le monde parie, adultes, enfants, riches et pauvres, et parfois
même des étrangers. Ces activités dépassent les capacités de contrôle de
l'Etat", ajoute M. Ta devant les grilles de bambou qui séparent la piste
des spectateurs.
"Il existe mille manières pour arranger les résultats des courses: les gros
parieurs cherchent à manipuler les propriétaires de chevaux et leurs
cavaliers, et parfois même à doper les chevaux pour choisir à l'avance
gagnants et perdants", explique Tran Ba Huynh, un parieur "professionnel".
Les Français avaient aménagé à la fin du 19e siècle ce champ de 50 hectares
du sud de l'ex-Saïgon avant d'y construire en 1932 un hippodrome.
Dès la fin de la guerre du Vietnam en avril 1975, l'hippodrome avait été
fermé par les autorités communistes qui le considéraient comme une source
de délinquance.
L'hippodrome a rouvert ses portes en mars 1989 et est géré par le Service
municipal des Sports.
L'établissement, dont les bâtiments de style français se sont délabrés,
attire chaque jour de courses au moins une dizaine de milliers de
spectateurs répartis sur deux tribunes et accueille et une centaine de
chevaux.
Il constitue une importante source de recettes pour le budget municipal,
pour les centaines de petits vendeurs de boissons ou de nourriture et pour
les professionnels de la fourniture de "tuyaux" sur les capacités des
chevaux engagés.
"Beaucoup de gens rêvent de s'enrichir rapidement grâce aux courses de
chevaux mais ils finissent totalement ruinés", raconte Nguyen Thanh Tan, un
jockey assis sur sa monture dont la cote atteint 2.000 dollars.
Les jockeys sont généralement âgés de 13 à 15 ans et leur poids est limité
à 35 kilos en raison de la petite taille des chevaux vietnamiens. Ils
reçoivent une commission de 10% des recettes versées aux propriétaires de
chevaux par les organisateurs.
Les chevaux, qui participent en général aux 10 courses du week-end, sont
élevés par des habitants des provinces voisines d'Ho Chi Minh-Ville, la
mégapole économique du sud peuplée de 7 millions d'habitants.
"Les passionnés des jeux d'argent n'abandonnent l'hippodrome qu'après avoir
accumulé d'énormes dettes personnelles qui les mènent parfois jusqu'à la
prison", commente l'un des organisateurs des courses.
AFP, le 1er Novembre 1999.
|