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Les droits de l'homme ne pèsent pas sur l'attribution de l'aide au Vietnam

Certains diplomates et parlementaires étrangers s'en émeuvent, tout comme les organisations militantes, mais la générosité de l'aide internationale au Vietnam n'en demeure pas moins, année après année, indépendante de la situation des droits de l'homme dans le pays. Mercredi, Hanoi s'est vue promettre 2,84 milliards d'aide étrangère, soit 15% de plus que l'an passé.

L'année a pourtant été riche en arrestations et condamnations de dissidents, suscitant de multiples protestations notamment de la part des Etats-Unis et l'Union européenne (UE). Juste avant la réunion des donateurs, l'organisation américaine Human Rights Watch leur avait demandé de faire pression sur le gouvernement vietnamien. En vain.

L'UE a souligné que la "promotion et la protection des droits de l'homme devraient aller main dans la main avec un développement durable du pays". Puis a lâché une enveloppe de 529 millions d'euros (640 millions de dollars). Les Etats-Unis ont affirmé qu'une "plus grande tolérance vis à vis des dissidents et l'acceptation d'opinions critiques différentes étaient essentielles pour la confiance des investisseurs". Avant d'accorder plus de 50 millions de dollars.

"Je ne pense pas que les donneurs voudront perturber des programmes d'assistance sur le long terme", pronostiquait avant la réunion Carl Thayer, un expert du Vietnam à l'Australian Defence Force Academy. "L'opinion largement partagée est que si les objectifs sociaux et économiques sont réalisés, un nouvel environnement sera créé dans lequel les droits civils et politiques pourraient progresser". Mais cette stratégie ne fait pas l'unanimité. En privé, certains diplomates jugent inefficaces les "groupes de travail" traditionnels. "Si la politique des droits de l'homme n'est pas inscrite comme un objectif clair dans la politique commerciale ou l'aide au développement, on n'assistera qu'aux changements que le gouvernement acceptera de faire", estime un observateur de longue date du Vietnam.

Selon un diplomate en poste à Hanoi, les actions dans ce domaine n'empiètent jamais sur les objectifs économiques. Les pressions "ne marchent pas car il n'y a pas de bâton. A moins que quelqu'un ne menace de supprimer ou de réduire l'aide, le Vietnam ne fera pas un geste", estime-t-il. "Mais personne n'est disposé à le faire car les droits de l'homme ne sont jamais une priorité. Tous les pays prennent en compte leurs intérêts nationaux", souligne-t-il.

Les seules pressions réelles viennent des parlementaires. Le Congrès américain étudie l'adoption d'un texte qui ferait dépendre l'aide non-humanitaire au Vietnam de ses résultats en matière de droits de l'homme. Quant au parlement européen de Strasbourg, il sert lui aussi d'aiguillon mais pèse peu sur les décisions de l'UE. "Un certain nombre de pays membres refusent de conditionner l'aide", affirme Olivier Dupuis, député européen du Parti radical transnational.

"Ce n'est pas de sanctions dont il faut parler. Mais on pourrait conditionner certains programmes d'aide à des avancées concrètes en terme de démocratisation", ajoute le député belge. Reste que la tendance est plutôt à la séparation stricte entre le domaine des affaires et les questions de société. D'autant que le sujet provoque à Hanoi des soubresauts de colère. En juillet, lorsque la Chambre des représentants à Washington avait adopté la proposition de loi américaine, l'assemblée nationale vietnamienne avait condamné un amendement qui "ravive le précédent négatif des pratiques de la guerre froide".

"Beaucoup de diplomates à Hanoi jugent que ce texte ne procède pas d'une bonne méthode", souligne l'un d'entre eux. "La confrontation n'est pas une bonne approche dans ce pays. Il y aurait un risque de rejet très fort. Et on ne fait pas avancer un pays en l'isolant".

Par Didier Lauras - Agence France Presse - 7 décembre 2003.