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Périple asiatique pour Jacques Chirac

De Hanoi à Pékin, le chef de l’État, en VRP des entreprises françaises, effectue une tournée à forte connotation économique dans une région prometteuse.

HANOI - Le président français entamait hier soir une visite d’État à Hanoi, deuxième étape d’un long périple asiatique d’une semaine, de Singapour à Pékin, qui lui offrira l’occasion de « faire la promotion de la modernité française » dans une région à forte croissance économique. L’objectif de développer un partenariat économique est donc en tête d’affiche, doublé d’une volonté de renforcer les liens politiques avec la Chine, le Vietnam et Singapour. Il sera donc question avec ses différents interlocuteurs de tenter de conforter un monde multipolaire avec une place de choix de préférence pour la France et ses entreprises.

Le porte-parole de l’Élysée, Jérôme Bonnafont, rappelait ainsi lundi à la presse : « Aux yeux du président de la République, ce mot multipolaire n’est pas une aspiration, c’est un fait. » Il précisait que pour le chef de l’État le monde s’organisait en grands pôles régionaux. « La volonté de la France, c’est que ces grands pôles aient des relations et s’inscrivent dans un cadre de dialogue et non de confrontation. » Jacques Chirac profitera de la tribune offerte par le sommet de l’ASEM (Union européenne et Asie) pour développer ses arguments.

Auparavant, le président français s’était entretenu mercredi soir avec son homologue vietnamien, Tran Duc Luong. Il rencontrera aujourd’hui le premier ministre Phan Van Khai, puis le secrétaire général du Parti communiste vietnamien, Nong Duc Manh. Cette deuxième visite officielle de Jacques Chirac à Hanoi - la première avait été en 1997, pour le sommet de la francophonie - a pour but de développer le dialogue repris en 1993 avec la visite de François Mitterrand. Nos pays, « parce qu’ils ont su se parler et s’entendre pour surmonter le poids du passé, ont une légitimité pour adresser au monde un message de paix et de fraternité », déclarait hier Jacques Chirac au cours de l’allocution précédant le dîner officiel, avant de saluer également l’ouverture et le renouveau du Vietnam. « En s’ouvrant aux autres, j’ai la conviction que votre pays imprimera un rythme nouveau aux réformes engagées. Je pense en particulier à la poursuite des nécessaires réformes démocratiques et au renforcement de la protection des droits de l’homme. »

Du côté français, on rappelle volontiers que Paris soutient le Vietnam dans son effort d’intégration au sein de la communauté internationale, dans ses candidatures à l’OMC et au Conseil de sécurité de l’ONU comme membre permanent. Du côté vietnamien, les relations avec la France sont abordées « avec grande considération » en insistant sur l’évolution importante qu’ont connue ces dernières années les relations bilatérales « en conformité avec le partenariat conclu en octobre 2002 lors de la visite en France du président vietnamien ». On note aussi la convergence de vues sur certaines grandes questions internationales et le poids des liens bilatéraux « actifs et privilégiés » au sein de l’ASEM. Pays de l’espace francophone, le Vietnam est aux yeux de Paris une entrée vers le reste de l’Asie. Réciproquement, par la France Hanoi devrait accéder plus facilement au marché européen et au reste du monde francophone.

Le Vietnam est pour la France le premier partenaire pour sa coopération en Asie dans le domaine de l’aide publique au développement et de l’investissement direct. Avec 106 millions d’euros d’engagements annoncés pour 2004, Paris est son deuxième bailleur de fonds bilatéral, derrière le Japon. Premier partenaire commercial non asiatique du Vietnam, la France espère développer sa coopération. Une de ses originalités est déjà une forte coopération décentralisée : une soixantaine de collectivités locales travaillent avec leurs homologues vietnamiens, soit, au niveau de régions, plus de 50 hôpitaux et 220 centres de recherche développant des projets communs avec le Vietnam.

Voyageant avec une forte délégation de dirigeants de PME venus pour dynamiser leur implantation au Vietnam - et il en sera de même en Chine -, le président Chirac entend aussi passer par la culture pour mieux aborder le terrain économique.

Huit contrats, sur la vingtaine confirmés, ont été signés hier soir dont un mémorandum d’accord pour dix Airbus A321, une convention de financement du tramway de Hanoi, ainsi qu’un projet de coopération trilatérale entre la France, le Vietnam et le Burkina-Faso sur un transfert de technologie pour la nutrition infantile. D’autres accords portent sur des transports ferroviaires, la coopération culturelle et de lutte contre le sida. Des pôles universitaires français vont être créés à Hanoi et Ho Chi Minh-Ville, et Paris prendra de nouvelles dispositions pour favoriser l’accueil d’étudiants vietnamiens dans les filières scientifiques de haute technologie.

Par Dominique Bari - L'Humanité - 7 Octobre 2004


Renouveau économique et intégration régionale

Le Vietnam connaît une réelle dynamique, mais la pauvreté reste un souci pesant pour les réformes.

HANOI - Avec une croissance annuelle de 7 %, le Vietnam affiche le meilleur taux en Asie orientale derrière la Chine. En I986, les réformes économiques du Doi Moi ou Renouveau lui ont redonné souffle, mettant fin à la collectivisation des terres, ouvrant l’économie aux investissements étrangers. La redistribution des terres de 1993 a permis de passer d’un rendement de 5 tonnes de riz à l’hectare à 13 tonnes. La généralisation des mesures au delta du Mékong a transformé le pays d’importateur, avant la réforme, en troisième exportateur mondial.

En dix ans, le revenu annuel moyen par habitant a doublé, passant de 200 dollars en 1990 à 400 en 2000. la famine a été éradiquée confirment les Nations unies, mais la lutte contre la pauvreté reste une priorité. Elle touche 12 % des 80 millions de Vietnamiens. Sortir le pays de cette pauvreté et du sous-développement d’ici à 2010, en doublant une nouvelle fois le revenu moyen individuel, et assurer l’industrialisation d’ici à 2020 sont des défis majeurs. Pour être relevés, rappellent les dirigeants vietnamiens, ils doivent être accompagnés d’« une amélioration de la qualité et de l’efficacité de l’économie pour établir une croissance durable, par le développement de l’environnement social et par l’édification d’une administration saine et de bonne gouvernance ». Ce qui passe par une lutte sans complaisance contre la corruption, la bureaucratie et les inégalités qu’engendre un décollage économique non exempt de contradictions.

Si l’ensemble de la population a bénéficié des réformes, les disparités sociales et régionales se sont accrues. Après l’effervescence des années quatre-vingt-dix, et les retombées de la crise asiatiques de 1997, qui a vu chuter les investissements régionaux, le Vietnam vit aujourd’hui au second souffle du Doi Moi avec un développement plus maîtrisé lié aux nouvelles donnes internationales, à l’intégration étroite du pays à la construction d’une économie régionale qui passe par l’abaissement des barrières douanières et aux perspectives d’adhésion à l’OMC qui pourrait se faire en 2005.

Hanoi qui accueille aujourd’hui le cinquième sommet de l’ASEM est particulièrement sensible à son environnement régional, par le biais de l’Association des États du Sud-Est asiatique (ASEAN), à laquelle elle a adhéré en 1995, mettant un terme à son isolement en Asie, continent où la politique des blocs a fait des ravages jusque dans les années quatre-vingt-dix. La politique d’ouverture implique le Vietnam dans un partenariat économique multiple, étroitement lié à la constitution d’un pôle asiatique de développement que prône l’ASEAN.

Pour répondre aux besoins énormes du pays, le partenariat multiple que revendique Hanoi pour mieux assurer son indépendance nationale a permis aux investissements directs des pays membres de l’ASEM de jouer un rôle important dans le développement socio-économique du Vietnam. Sur ces huit derniers mois, 261 projets pour un montant cumulé de 560 millions de dollars, issus des pays membres de l’ASEM, ont été autorisés au Vietnam. Au total, les pays membres de l’ASEM comptent actuellement 2 570 projets en vigueur au Vietnam, d’un fonds total inscrit de 27,3 milliards de dollars. Sur ce montant, 16,4 milliards ont d’ores et déjà été versés. En investissement direct étranger, l’apport des pays de l’ASEM représente 53 % du nombre des projets et 61 % des fonds. Ces investissements ont largement contribué au développement industriel du Vietnam et concernent les secteurs textile-habillement, chaussures, construction mécanique (automobiles, motos, construction navale), matériaux de construction, pétrole, postes et télécommunications, production d’aliments pour animaux. Les pays membres de l’ASEM constituent aussi d’importants bailleurs de fonds en aides publiques au développement (APD). Ces financements sont essentiellement destinés à la modernisation des infrastructures et à la construction d’établissements de santé et de formation. Pourtant, la croissance des investissements au Vietnam des pays européens demeure faible, ce qui a pour conséquence de freiner la hausse des exportations de marchandises vietnamiennes vers l’UE. Pour améliorer ce bilan, le Vietnam annonce qu’il devra prendre de mesures en vue d’attirer davantage des fonds d’investissement de la part des pays de l’ASEM et des pays européens en particulier, entre autres dans les secteurs des hautes technologies.

Par Dominique Bari - L'Humanité - 7 Octobre 2004