Le Vietnam rend son père au maire de Genève
La succession des coïncidences qui relie Christian Ferrazino, Robert Ferrazino et le peuple vietnamien est saisissante. On voudrait y voir une trame psychanalytique à l'origine des engagements pacifistes du premier, actuel maire de Genève. Mais c'est trop imaginer. Car il y a dix jours, Christian savait encore très peu des liens invisibles qui le reliaient à son père Robert, mort depuis si longtemps...
Des références idéalistes sont donc seules à l'origine d'un des engagements les plus récents de l'élu de l'Alliance de gauche. Pour lui, il était tout simplement essentiel que sa ville soit associée au cinquantième anniversaire des «Accords de Genève», qui avait mis fin au conflit entre le Vietnam du Nord et la France. Le traité de paix avait été signé dans la nuit du 20 au 21 juillet 1954 au Palais des Nations.
Pour cette commémoration, divers colloques et échanges se tiennent au bout du Léman depuis le début de cette semaine. Sur la scène politique locale toujours en verve, ce programme a donné lieu à une polémique, la droite reprochant à son maire de gauche de faire la part belle à un Vietnam peu respectueux des droits de l'homme.
Tant de bruit ne pouvait échapper à «Forum», l'émission d'information du soir de la Radio suisse romande. Le 20 avril dernier, elle a organisé un débat autour des manifestations commémoratives, non sans plonger dans ses archives pour retrouver des témoignages de l'époque. On réentendit ainsi le français merveilleusement classique de Pham Van Dong, chef de la délégation nord-vietnamienne. Alors qu'il venait tout juste d'apposer son paraphe à l'Accord de 1954, l'émissaire avait répondu à un journaliste de la radio, un certain Robert Ferrazino.
Christian Ferrazino n'était pas à la radio ce 20 avril 2004. Mais il entendit parler de l'émission. Il savait déjà qu'il entretenait avec l'histoire du Vietnam une relation très personnelle: il est né le 9 juin 1954, pendant que se déroulaient à Genève les négociations qui allaient conduire au traité de paix.
Mais Christian Ferrazino ignorait que Robert, son père et journaliste, avait été associé de très près à l'événement. Ce père n'a rien pu lui raconter, ou si peu: il est mort en 1958, lors d'un exercice militaire. Ce n'était pas la guerre, mais cela lui ressemblait tellement.
Par Quan Ly - Le Temps - 28 Avril 2004.
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