Peinture-poursuite dans les rues de Hanoï
Touché, teinté, coulé. Non, il ne s'agit pas d'une version artistique de la bataille navale, mais de la bataille des rues qui fait rage à Hanoï, la capitale du Vietnam. Lassés de jouer au chat et à la souris avec les voleurs et les chauffards, les policiers se sont dotés mi-novembre d'une nouvelle arme de service : le paintball, un pistolet qui tire des cartouches de couleur.
L'idée ? Peinturlurer les fuyards pour pouvoir les repérer dans la foule. Il n'y a plus de mystère : celui qui porte la marque jaune est obligatoirement arrêté.
Après les policiers américains et français qui utilisent des flashballs, ou balles de caoutchouc, les Vietnamiens viennent donc de lancer une nouvelle mode dans les holsters : les cartouches de peinture. "Verte, jaune et rouge", a détaillé Tran Quoc Hung, le chef administratif de la police de Hanoï. Originale, cette mesure est très attendue dans une ville où les "vols à l'arraché et les pickpockets à moto sont de plus en plus fréquents", remarque Tran Quoc Hung. Sans oublier les nombreux chauffards qui ont oublié le code de la route, voire de passer leur permis, ou les fous du guidon qui prennent les rues de la ville pour un circuit. Un véritable fléau en partie responsable des 12 000 morts sur la route l'année dernière.
"Durant la fête du Têt (le Nouvel An vietnamien, qui s'est déroulé début février), la ville avait mobilisé plus de 1 450 policiers, 600 gardes chargés du trafic et 350 jeunes volontaires pour arrêter ces courses illégales ", a rappelé Nguyen Duc Nhanh, directeur adjoint du département de la sécurité publique de Hanoï. Malgré ces efforts, les fuyards passent régulièrement entre les mailles des filets de la police : pris sur le fait, ils n'ont qu'à fuir et se fondre parmi les hordes de deux-roues qui congestionnent la capitale vietnamienne. Les courses-poursuites finissent immanquablement par le retour des motards bredouilles. Une bien mauvaise publicité pour cette ville qui accueille, depuis le 5 décembre et jusqu'au 13 décembre, les 22es Jeux d'Asie du Sud-Est. Les autorités ont donc décidé de nettoyer les rues, mais d'une drôle de manière.
A défaut de pouvoir attraper les fuyards, au moins ne pas perdre leurs traces afin de les cueillir plus tard. Comment ? En les canardant à l'aide d'un paintball, a donc résolu la police. "Grâce à une portée de dix mètres, ces pistolets vont nous aider à appréhender les suspects qui ne pourront plus passer inaperçus dans la mer de motos", s'est félicité Tran Quoc Hung. Les rues de Hanoï vont se transformer en parties de paintball géantes. Des chasses à l'homme sans effusion de sang, mais en couleur. Le directeur des forces de police d'Hanoï, le général Pham Chuyen, l'a promis en personne : "Les balles de ces pistolets ne blesseront personne." Autre avantage : en cas de bavures, les compulsifs de la gâchette s'en tireront en allant chez le teinturier.
Par Benoît Merlin - Le Monde - 12 Décembre 2003.
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