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Une délégation du Sénat rend hommage au personnel de l'Hôpital français d'Hanoï

L'établissement touché par le SRAS rouvre fin juin.

HANOI - Debout face à l'estrade dressée pour l'occasion, ils se serrent les uns contre les autres, ne cachant ni leurs larmes ni leur émotion. Dans la cour de l'Hôpital français de Hanoï (HFH), l'ensemble du personnel, français et vietnamien, médical, soignant et non soignant, est réuni, ce jeudi 29 mai, pour recevoir, des mains de Christian Poncelet, le président du Sénat, la médaille d'or pour acte de dévouement et de courage.

Pour la plupart des 180 membres de l'établissement, c'est la première fois qu'ils reviennent dans cet hôpital depuis sa fermeture, à la suite de l'identification, fin février, d'un des premiers foyers de développement du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Cinq membres du personnel sont morts des suites de la pneumopathie atypique : deux Français et trois Vietnamiens. L'hôpital, toujours en cours de réhabilitation, devrait rouvrir ses portes le 30 juin.

Le directeur de cet établissement de 70 lits, l'équivalent d'une clinique privée de haut niveau, estime que cette crise aura entraîné une perte d'environ 1 million de dollars. Il espère toutefois un redémarrage rapide de l'activité car, "à travers cette épreuve, nous avons fait la démonstration de notre efficacité". Du côté des personnels hospitaliers, seules huit démissions ont été enregistrées.

Toutes et tous ceux qui sont là ont vécu pendant trois semaines en confinement total à l'intérieur de l'enceinte. "A aucun moment on ne s'est dit : "Demain, ce sera notre tour." Alors, on est resté pour se battre", raconte, la voix étranglée, Marie-Pierre Roman. Cette sage-femme à la retraite est venue apporter ici son savoir et son envie de le faire partager. Pourtant, elle admet avoir vécu, avec ses collègues, des moments difficiles : "Le plus terrible, ça a été le mardi 23 mars, quand on a eu deux décès le même jour, poursuit-elle. On a tous hurlé."

Madeleine Ozy, qui dirige les soins infirmiers au HFH, reconnaît elle aussi que, dans ces moments de crise, "mais aussi d'intense solidarité, on ne pensait pas à la mort". "Ce n'est que plus tard,confie-t-elle, quand on a pu évacuer l'établissement, et qu'on est allé se recueillir devant l'urne de notre collègue décédé, qu'on a réalisé qu'il était mort et qu'alors on a pu faire notre deuil."

"On se tenait la main..."

Tout au long de ces trois semaines, se sont noués des liens d'une force exceptionnelle. "Chaque fois que l'un ou l'une d'entre nous connaissait un moment d'abattement, il y avait toujours quelqu'un pour l'entourer", se rappelle Marie-Pierre. "Sans aucune distinction de grade, ajoute Madeleine. On s'est pris en charge et on s'est battu. Tous ensemble, pour être plus forts. On sortait dans la cour prendre l'air, faire des exercices. On s'encourageait. On s'enlaçait, on se tenait la main..."

Chacun de ces gestes de solidarité reste, au moment où M. Poncelet - qui conduit une délégation sénatoriale en visite officielle au Vietnam du 26 mai au 1er juin - exprime la "reconnaissance de la République française à tous ceux qui ont mené une lutte courageuse au sein de cette enceinte meurtrie". Yvan Renard, le sénateur (PCF) du Nord, les yeux rougis, ne peut dissimuler son émotion. Avec son collègue Jacques Oudin (UMP, Vendée), dans le sillage du président du Sénat et de l'ambassadeur de France au Vietnam, Antoine Pouilleute, ils ne cessent de témoigner de la sincérité de leur hommage, gratifiant chacun d'un mot, d'une accolade.

Dans quelques semaines, les employés du HFH reprendront leur activité, "plus forts, plus solidaires". Mais, pour l'instant, ils se relaient en groupes et posent pour la photo autour du diplôme que leur a décerné M. Poncelet, au nom du ministre de l'intérieur. Après la gravité et l'émotion du moment, les sourires illuminent les visages. Ils se pressent devant l'objectif, levant le pouce, libérant leur joie : celle des retrouvailles d'une communauté reformée.

Par Patrick Roger - Le Monde - 30 Mai 2003