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Opérations à coeur ouvert

Le professeur Maurice Mimoun dans une mission humanitaire au Vietnam

A eux seuls, ils sont un langage. Un langage universel, instinctivement compris par quiconque les regarde. Les yeux des enfants disent plus que des mots. Les peurs, l'espoir, la souffrance, le courage... Miroir de leur coeur, ils parlent au nôtre, sans périphrase. Le professeur Maurice Mimoun a eu ainsi bien des conversations. Que ne lui ont pas dit tous ces regards de petits Vietnamiens qui, attendant en salle d'auscultation, accrochaient le sien et remettaient tout leur avenir entre ses mains de chirurgien ? Mais lui, grand ponte français de la chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, comment devait-il leur répondre à eux, petits brûlés oubliés dans les rizières ? Comment dire face à tant d'espoir, que certains n'y auraient pas droit ?

Venu en mission avec la fondation Children Action, qui organise ainsi des campagnes d'opérations pour les petits abîmés du quart-monde, le professeur Maurice Mimoun, chef de service de chirurgie reconstructrice de l'hôpital Rothschild et du centre des grands brûlés de l'hôpital Saint-Antoine à Paris, a voulu raconter cette histoire-là face aux caméras : toute l'intensité qu'il y a dans cet échange sans parole, ce qu'implique et met en jeu ce type d'action humanitaire. A travers ces «Yeux des enfants», ceux de Kiem, Ngan, Niet ou encore Loan, c'est donc la réalité quotidienne de cette mission que l'on voit, mais aussi et surtout les responsabilités engagées, le poids des consciences, la nudité et la solitude dans ces instants de vérité, la force et le sens de la vie. Une véritable réflexion sur le métier de médecin, pleine d'humilité et d'humanité, qui chemine au fil des images via la voix et les textes écrits par Maurice Mimoun.

Articulé selon les étapes, le documentaire suit chronologiquement le parcours de ces dizaines d'enfants brûlés, depuis leur recensement dans les campagnes vietnamiennes jusqu'à leur arrivée à la mission, l'auscultation, le terrible verdict qui autorise ou non l'opération, puis l'opération elle-même, la libération des plâtres et pansements et enfin le retour à la maison. Bien sûr, il y a la déception de ces familles qui repartent avec un enfant pour qui l'on n'a rien pu faire, mais il y a surtout ces renaissances. Celles auxquelles on croyait ne pas pouvoir prétendre, dans cette pauvreté de mondes si reculés.

«J'ai compris mon plaisir..., se dit à lui-même le professeur Mimoun au sortir d'une opération. Mais comment oser parler de plaisir ? Pourtant c'est le mot qui me vient. Quand j'opère, je suis dans l'instant d'une vérité absolue. En tout cas je le crois. Et quand c'est pour soigner un enfant qui n'aurait jamais eu accès aux soins, je suis sûr de mon action. Je vole, j'avance, et tous mes gestes sont un bonheur. Agir, agir, l'action est évidente, indiscutable. Ouvrir une main fermée depuis sa naissance, indiscutable. Etendre un coude, indiscutable. J'ai raison. Pouvoir le dire une fois dans sa vie, avec certitude, je crois que c'est un privilège. Mais j'ai honte aussi. Car c'est du soulagement de la souffrance que je tire cette satisfaction. Le bonheur lucide engendre la tristesse...»

Mais pourquoi se mettre ainsi en scène et accepter que l'on filme son action humanitaire ? L'idée d'une quelconque intention de valorisation s'évanouit aussitôt que le documentaire commence. Du reste, si Maurice Mimoun est aujourd'hui très heureux de l'avoir fait, il a pourtant émis des résistances au départ. «Je n'étais pas partisan de le faire, c'est vrai, dit-il. Moi-même, je ne suis déjà pas à l'aise avec ce terme d'humanitaire. Mais le fondateur de l'association, Bernard Sabrier, et les réalisateurs, Patty Villiers et Bernard Cazedepats, avec qui j'avais déjà tourné un documentaire («Chirurgie du coeur, chirurgie de l'âme», sur France 2, NDLR), m'ont convaincu. Et aujourd'hui je suis sûr de l'intérêt de ce documentaire pour le téléspectateur : il montre ce qu'un chirurgien peut penser du dedans, ses doutes, ses peurs, ses sentiments de culpabilité, sa réflexion quotidienne sur ce métier mais aussi plus largement sur la vie. C'est un film sensible, j'en suis sincèrement très fier, et je tiens pour cela à rendre un grand hommage à l'équipe de tournage.»

«LA VIE EN QUESTION : LES YEUX DES ENFANTS» sur France 3 TV, samedi, 23 h 05 (TU + 1)

Par Delphine de Mallevoüe - Le Figaro - 6 Mars 2004.