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L'élevage des ours dans les villes vietnamiennes menace leur survie

HANOI - Un ours sauvage de 400 kg peine à se retourner dans sa cage étroite: cet animal, et les 30 autres enfermés dans un pavillon du centre de Hanoï par la famille de Tran Thi Mui ont fait sa fortune, mais cet "élevage" cruel accélère les risques d'extinction des ours dans leur milieu naturel.

"Nous extrayons la bile des ours qui possède des vertus curatives exceptionnelles", explique Mme Mui. "La bile d'ours guérit au moins 11 maladies telles que l'hépatite, l'arthrite, l'hypertension, consommée régulièrement elle peut renforcer les capacités sexuelles de l'homme et même guérir le cancer du foie", affirme-t-elle. Vendue 180.000 dongs (13 dollars) le millilitre, une somme considérable au Vietnam où le revenu annuel moyen est inférieur à 300 dollars, la bile des ours est extraite tous les six mois à l'aide d'une seringue de la vésicule biliaire de l'animal vivant.

"Pour guérir une maladie du foie, il faut consommer 14 ml de bile d'ours sur une durée de 3 mois", selon Mme Mui. La bile d'ours est devenue au cours des dernières années au Vietnam un article de luxe, vendu dans de nombreux établissements de la capitale et un cadeau apprécié qui s'offre lors des grandes occasions, anniversaires et fêtes de fin d'année. Selon les autorités et les responsables pour le Vietnam du Fonds mondial de la nature (WWF), en raison de cet engouement, plus de 700 ours sont élevés en captivité par des particuliers dans la capitale vietnamienne, plus de 500 dans la province centrale de Nghe An, et sans doute encore plus à Ho Chi Minh-Ville, la mégapole du sud du Vietnam et dans les autres grandes villes du pays.

"Ces ours, provenant des deux races endémiques au Vietnam, l'ours-cheval (Ursus Thibetanus) et l'ours-chien (Ursus Malayanus) ne se reproduisent pas en captivité", précise Nguyen Diep Hoa, responsable du programme Indochine du WWF. Ces deux espèces figurent sur la liste des animaux menacés d'extinction de la Convention internationale sur le commerce des espèces en danger (CITES). Les éleveurs les achètent à des chasseurs qui en général tuent les mères dans les forêts proches de la frontière laotienne et s'emparent des petits.

"Nous ne connaissons pas le nombre exact des ours qui vivent encore à l'état sauvage au Vietnam mais il n'en reste malheureusement que très peu et ces espèces sont maintenant menacées de disparition au Vietnam", ajoute Mme Hoa. "De plus, un ours ne peut survivre plus de un ou deux ans aux effets conjugués de sa captivité et de l'extraction de sa bile", dit-elle. La chasse, le trafic et l'élevage des ours sont pourtant interdits au Vietnam où cet animal est officiellement protégé et le ministère de l'Agriculture a récemment demandé au Premier ministre Phan Van Khai de mettre fin à leur élevage privé après 2001.

Les éleveurs d'ours ne semblent cependant pas avoir l'intention de renoncer à leur commerce lucratif. "J'élève des ours depuis cinq ans et j'en ai 30 actuellement à la maison. Nous extrayons de la bile tous les 6 mois et chaque fois nous en obtenons de 50 à 200 ml par animal en fonction du poids de l'ours", explique Mme Mui devant la série de cages de fer superposées dans son jardin où sont enfermés les animaux. Encouragée par les importants revenus générés par ce commerce qui lui rapporte plusieurs dizaines de milliers de dollars par an, la famille de Mme Mui a même décidé d'étendre son affaire.

"Mon mari a acheté récemment un hectare de terrain dans la province montagneuse de Hoa Binh, à 70 km au nord de Hanoi, et il y élève également une vingtaine d'ours", conclut-elle.

Agence France Presse, le 12 Octobre 2000.