Le rapporteur de l'ONU achève une mission entravée par Hanoï
HANOI - Le rapporteur de l'ONU sur l'intolérance religieuse a
achevé mercredi une mission de dix jours au Vietnam entravée par le régime
communiste qui a pris le risque d'une très mauvaise opération de relations
publiques.
L'annonce de la visite du Tunisien Abdelfattah Amor, négociée pendant trois
ans avec Hanoï, avait été accueillie par les experts du Vietnam comme un
signe d'ouverture encourageant à l'heure où la nouvelle équipe à la tête du
pays depuis un an tentait d'améliorer son image en matière de droits de
l'homme.
Mais mercredi, alors qu'il s'était engagé à accorder des interviews aux
agences de presse internationales à Hanoï, M. Amor a annulé toutes ces
rencontres sans explication.
Il a simplement déclaré à l'AFP que "certains événements ont fait" qu'il
avait décidé de ne pas s'exprimer publiquement. "Il vaut mieux choisir la
sagesse, je ne peux pas vous parler maintenant, vous allez être informés
très rapidement sur cette mission", a-t-il dit.
"Ces interviews n'auraient pas été annulées si cette mission s'était bien
passée", a estimé un diplomate en poste à Hanoï.
Selon des diplomates étrangers, M. Amor n'a pas souhaité perturber le
dialogue naissant qu'il souhaite poursuivre avec Hanoï, en dépit des
entraves visiblement mises à ses rencontres avec des dissidents religieux.
M. Amor a néanmoins confirmé à l'AFP qu'il n'avait pu rencontrer
--contrairement à ses voeux-- le numéro deux de l'Eglise bouddhiste unifiée
du Vietnam (EBUV, dissidente), Thich Quang Do, information démentie la
veille par Hanoï.
Des sources concordantes avaient indiqué lundi que le rapporteur de l'ONU
s'était vu interdire l'entrée de la pagode du dignitaire par un cordon de
police et avait dû rebrousser chemin.
"C'est sidérant que ce personnage avec un tel profil international n'ait pu
rencontrer l'une des plus grandes figures bouddhistes au Vietnam", a estimé
le même diplomate.
M. Amor s'est rendu à Hanoï, Hué (centre) puis Ho Chi Minh-Ville (sud) pour
juger si le Vietnam appliquait ou non une politique religieuse tolérante et
non-discriminatoire et présenter un rapport devant la Commission des droits
de l'Homme des Nations unies. La presse vietnamienne a été muette sur cette
mission.
Aucune rencontre de M. Amor et de dissidents religieux n'avait été
rapportée mercredi. Selon des organisations de défense des droits de
l'homme, des rendez-vous prévus par M. Amor ont été annulés, comme une
rencontre avec le patriarche de l'EBUV, Thich Huyen Quang, en résidence
surveillée depuis 16 ans, où avec le supérieur d'une pagode de Hué,
également en résidence surveillée.
"Ceci va être très dommageable à l'image de Hanoï et c'est un très mauvais
calcul", a estimé un diplomate. Le régime est sous une pression
internationale accrue pour desserrer son étau autour des dissidents
politiques comme religieux, notamment de la part des Etats-Unis avec lequel
il négocie un accord commercial crucial pour une économie vietnamienne qui
se porte de plus en plus mal.
Hanoï a récemment annoncé des amnisties de prisonniers politiques ou
religieux. Mais les experts soulignent que ces gestes ne peuvent faire
oublier qu'il n'y a pas encore d'engagement ferme de Hanoï en faveur des
libertés.
De même soulignent-ils, certaines des amnisties récentes relevaient plus de
l'effet d'annonce destiné à l'étranger, comme la libération samedi dernier
du bonze de l'EBUV Thich Nhat Ban, seul religieux du train d'amnistie
annoncé cette semaine.
Le bouddhiste, qui a passé dix ans en camp de rééducation puis près de
quatre en prison, a bénéficié d'une grâce portant sur 13 jours de
détention: il arrivait en fin de peine début novembre. Et il aurait été
immédiatement ensuite placé en résidence surveillée.