Le Vietnam tenté par l'aventure de l'énergie nucléaire
Les autorités vietnamiennes ont mis en route un
programme destiné à doter le pays d'une
centrale nucléaire d'ici 2020, un projet
financièrement très alléchant pour les
spécialistes étrangers, mais dont la faisabilité
reste aujourd'hui hypothétique.
Les réserves du pays en uranium sont estimées
à environ 230.000 tonnes, soit suffisamment
"pour le fonctionnement d'une centrale nucléaire
pendant au moins 24 ans", a expliqué à l'AFP Do
Ngoc Lien, directeur de l'Institut des
technologies sur les matières radioactives de
Hanoï.
"Des minerais d'uranium ont été découverts
surtout dans la province de Quang Nam (centre),
et dans plusieurs autres endroits du pays", a-t-il
ajouté.
Le chantier de l'énergie constitue l'un des défis
les plus importants du Vietnam. La Banque
mondiale estime que pour maintenir une
croissance annuelle de 6 à 8 % dans les cinq
années à venir, la production d'énergie devra
augmenter de 10 à 14% par an.
Selon les estimations du gouvernement, quelque
70 à 80 milliards de kilowatts seront nécessaires
d'ici 2010, et plus du double d'ici 2020. A cette
date, le Vietnam veut avoir investi 19,1 milliards
de dollars (somme équivalente en euros) pour
construire 37 centrales, dont 22
hydroélectriques.
Le territoire est plutôt richement doté, puisqu'il
dispose d'un vaste réseau de fleuves et rivières
facilement aménageables et produit du gaz
naturel et du charbon, quoique de qualité
médiocre. Largement de quoi subvenir aux
besoins du pays.
Mais l'avenir est à la diversification.
"Nous avons l'intention de réduire la part des
centrales hydro-électriques (dans la production
totale) de 60% actuellement à 50% en 2010",
indique Vuong Huu Tan, directeur de l'Institut de
l'énergie atomique du Vietnam, évoquant
notamment la difficulté de gérer un réseau fluvial
soumis à de très fortes variations de débit selon
les saisons.
A terme, c'est au nucléaire que les Vietnamiens
veulent s'intéresser. Un comité interministériel
sur l'énergie atomique a été mis en place le 5
mars
Techniquement, le Vietnam est loin d'être prêt.
Hanoï bénéficiait jusque dans les années 1980
des échanges avec l'Union soviétique et
quelques ingénieurs ont été formés aux
rudiments de l'énergie nucléaire. Un réacteur
d'essai, installé en 1963 par les Américains à
Dalat (sud), avait été remis en route par l'URSS
et permet aux techniciens de travailler.
A cet égard, la solution passera par l'étranger.
"Le gouvernement étudie des projets de
coopération dans le secteur nucléaire avec des
pays comme le Japon, la Corée du Sud, la France
et le Canada", ajoute Vuong Huu Tan.
Côté entreprises privées, plusieurs grands
spécialistes mondiaux sont sur les rangs, dont la
société japonaise Sumitomo.
"Il y a de grosses possibilités dans le pays. C'est
un projet qui nous intéresse énormément, mais
sur plus de dix ans. Le Vietnam doit s'appuyer
sur les technologies étrangères", a admis
Atsushi Mise, directeur général du groupe
nippon au Vietnam.
Les sceptiques évoquent cependant un
programme exorbitant et pas forcément
nécessaire.
"Le coût de production sera très élevé. Une
centrale hydroélectrique, c'est beaucoup de local
: du ciment, de la main-d'oeuvre. Mais une
centrale nucléaire, il faut l'importer", analyse un
expert étranger.
"Il me semble que le nucléaire peut être évité au
Vietnam compte-tenu de ses ressources
alternatives, ce qui n'est pas le cas de pays
comme la Corée du Sud ou la France. Mais
maintenant que le comité est créé, il sera difficile
au Vietnam de faire marche arrière".
Par Didier Lauras - Agence France Presse - 13 Janvier 2003.
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