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Des champs de bataille de la guerre à la survie en temps de paix


HANOI - Après avoir donné ses années de jeunesse à la lutte pour l'indépendance du Vietnam, Nguyen Hai a été docker,vendeur de thé,chômeur et se retrouve aujourd'hui cyclo-pousse, tentant comme des millions d'anciens combattants de joindre les deux bouts dans un pays enfin en paix.

"Plusieurs de mes amis anciens combattants mènent une vie matérielle très dure", explique-t-il. "Moi, je suis invalide de guerre et je ne peux pas me permettre d'arrêter de travailler à 47 ans, avec trois enfants".

A la fin de la guerre du Vietnam en 1975, Hai, qui faisait son service militaire, n'a eu droit à aucune pension.Après des décennies de conflit, de la guerre d'Indochine à la guerre du Vietnam et l'invasion militaire du Cambodge, le Vietnam --troisième armée du monde il y a 20 ans-- compte trois millions d'anciens combattants, dont 600. 000 invalides.
En dehors des invalides de guerre, seuls les officiers ont droit à une pension mensuelle. Et les anciens combattants au Vietnam sont parfois à peine quadragénaires, les armes s'étant tues il y a peu.L'Etat, pour honorer sa "dette de gratitude" envers les millions de combattants de la Révolution et de l'Indépendance, fournit des aides matérielles, mais extrêmement limitées.

"La vie des anciens combattants s'est améliorée depuis 1990", affirme néanmoins le général Vu Xuan Vinh, de l'Association des anciens combattants du Vietnam. "Maintenant ils ne sont plus que 8% à être pauvres", dit-il, en référence à ceux dont le revenu n'oscille qu'entre 3 et 12 dollars par mois.

L'Association ne fournit pas de travail aux anciens combattants mais tente de les recycler dans le développement rural, les coopératives agricoles, la reforestation.Mais rares sont les anciens combattants à s'être exilés dans les campagnes. Après la démobilisation, des centaines de milliers d'entre eux sont venus grossir les bataillons de citadins faisant des petits métiers de rue: cyclo-pousses, vendeurs ambulants ou réparateurs de vélos.

L'immolation par le feu en mai d'un invalide reconverti vendeur de glace ambulant a jeté une lumière dramatique sur le sort des rescapés de la guerre. La police lui ayant confisqué son matériel, cet ancien "bo doi" de l'Armée du Nord-Vietnam s'est aspergé d'essence par désespoir à Vung Tau (sud) où il était venu chercher de meilleures conditions de vie.

Au ministère du Travail, M. Nguyen Dinh Lieu, directeur du Département des Invalides, montre la cicatrice qui lui barre le bras, souvenir d'un éclat d'obus en 1971 sur le front de Quang Tri et qui lui vaut une indemnité de cinq dollars par mois. Un invalide de guerre à 100% --paralysé, amputé ou aveugle-- touche l'équivalent de 24 dollars par mois et de maigres aides pour la scolarisation des enfants ou les soins médicaux, explique M. Lieu.

Mais, dit-il, "beaucoup d'invalides n'ont aucune pension parce qu'ils n'ont pas encore été reconnus comme tels: les guerres ont été longues au Vietnam,dans certaines batailles, il n'y a eu que quelques survivants,les documents ont été perdus".

"On continue encore de reconnaître officiellement des invalides, on veut régler cette question avant la fin du siècle, il pourrait y en avoir un million au total", dit-il. Pour M. Lieu, les invalides cumulent les handicaps: "mauvaise santé, manque d'argent et de formation professionnelle dans une société métamorphosée par la paix et l'ouverture économique".

Nguyen Ba, 48 ans, a "changé quatre fois de boulot". Après avoir été simple soldat pendant la guerre du Vietnam, il est aujourd'hui réparateur de motos. Des champs de bataille, il a rapporté "la peur de mourir à chaque combat". Et aucune pension."Aujourd'hui je me fais beaucoup de soucis pour mes enfants et l'Etat ne peut pas faire grand'chose pour nous", déplore Ba.

AFP, le 16 Juillet 1998.