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Trente ans après, les soldats américains ont retrouvé Miss Saïgon

HO CHI MINH VILLE - Sur le bord de la piste de l'Apocalypse Now, le bar le plus populaire de l'ex-Saigon, des poupées en minijupes jaugent leurs proies du soir puis s'engagent dans la masse des soldats américains. La scène est un classique, mais ne s'était pas reproduite depuis près de 30 ans.

Trois décennies se sont écoulées depuis que les derniers soldats américains ont quitté en catastrophe, le 30 avril 1975, la ville des plaisirs interlopes, devenue depuis Ho Chi Minh-Ville. Ils laissaient derrière eux une guerre perdue, un honneur bafoué et tout un mythe fait d'alcool, de drogue et de filles de joie, immortalisé mille fois par le cinéma d'Hollywood.

Mercredi, la première frégate américaine à revenir dans un port vietnamien depuis 1973 a symbolisé une nouvelle ère dans les relations entre Hanoi et Washington. Elle a aussi offert à quelque deux cents marins de l'US Navy l'opportunité de constater que rien, dans l'esprit, n'avait vraiment changé.

Pour éviter sans doute des débordements susceptibles de gâcher une fête que tout le monde voulait réussie, le couvre-feu a été fixé à minuit. Largement le temps pour l'équipage de trouver un restaurant et quelques souvenirs, et de s'adonner à des plaisirs que la morale réprouve et que le règlement à bord interdit.

"Je suis vraiment content d'être là", avoue Chris Burns, 22 ans, originaire de Virginie. "J'ai toujours rêvé de voir à quoi ça ressemblait". Il n'aura pas été déçu. La trépidante cité n'a rien perdu de la moiteur érotique dont elle s'était parée dans les années 60, pour satisfaire les désirs des bataillons américains installés dans ce qui était encore le sud-Vietnam. Les prostituées d'alors sont parfois devenues mères-maquerelles et les devises continuent d'affluer.

Ho Chi Minh-Ville est aujourd'hui la capitale économique du pays, indispensable étape pour les touristes et les hommes d'affaires, avec ce double avantage de présenter d'intéressantes perspectives économiques et de multiplier les options pour les virées nocturnes. Le vocabulaire est immuable. Les "Madame Boum Boum" succèdent au "you want massage" et rapportent trop d'argent pour que s'y oppose la pudeur de la doctrine communiste.

Une douzaine de matelots marchent dans les pas de leurs aînés en s'engouffrant dans le sordide Café 91 du centre-ville. Des filles lourdement fardées s'approchent, souriantes et lascives, et viennent s'assoir sur leurs genoux. En face, trois autres uniformes sortent d'un établissement du même acabit, sous les injonctions désespérées de jeunes filles fort peu vêtues.

L'exotisme a ses limites. "Bon dieu, j'ai vu dix pays en Asie et quand t'en as vu un, tu les a tous vus", commente l'un d'entre eux. Mais les voilà qui se dirigent vers l'Apocalypse Now. Incontournable, s'il en est. Même le commandant Rogers, le capitaine du bateau, y a passé la soirée.

Agence France Presse - 20 Novembre 2003