Morose anniversaire au Viêt-nam
HO ChI MINH VILLE - La liesse populaire ne sera pas au rendez-vous dans les rues de
l'ancienne Saïgon pour les célébrations dimanche du 25e
anniversaire de la prise de la ville, alors siège du gouvernement
pro-Américain du Sud-Viêt-nam, par les troupes communistes. Les
préparatifs se sont déroulées dans une ambiance tendue: une parade
rassemblant 20 000 militaires, paysans et représentants d'associations
liées au Parti communiste qui devait descendre l'un des boulevards de
la cité a été annulée, officiellement pour faire des économies, mais les
considérations de sécurité semblent avoir aussi joué un rôle. «Notre
expérience a montré que, lors des occasions spéciales, des
éléments inamicaux en profitent pour commettre des sabotages»,
a expliqué Le Thanh Hai, le vice-maire d'Ho Chi Minh-Ville, telle qu'a
été rebaptisée Saïgon après le 30 avril 1975. Les parades auront lieu
dans l'enceinte bien gardée de l'ancien palais présidentiel. Seule une
brochette d'officiels et de diplomates a été invitée.
Pour la grande majorité des Saïgonnais, l'anniversaire n'est de toute
façon pas vraiment une occasion de se réjouir. Pour eux, le 30 avril a
le plus souvent marqué le début d'une vie difficile, voire miséreuse.
«Le 30 avril? Je préfère ne pas en parler. Aujourd'hui, il me
semble que je suis innocent», lâche un septuagénaire en pyjama, qui
a passé quatre ans dans un camp de rééducation près de la frontière
cambodgienne. Beaucoup de ceux qui étaient marqués du sceau de
l'ancien régime ont été envoyés pour plusieurs années dans de tels
camps. Les autres Saïgonnais ont souvent dû grappiller de quoi
survivre. Ce n'est qu'après le lancement de la «Doi Moi», la politique
de renouveau économique lancée à la fin des années 80, que l'étreinte
s'est quelque peu desserrée.
Plus de la moitié de la population vietnamienne est née après avril
1975. Pour ces jeunes, nourris de discours anti-impérialistes mais
fascinés par le mode de vie occidental, les récits de victoire et de
punition n'ont qu'une signification très abstraite. Ils en parlent comme
s'ils récitaient une leçon bien apprise mais qui ne les concerne pas
vraiment. Leur grande inquiétude est de trouver un emploi au sortir de
l'université. Interrogé sur la politique, un jeune étudiant d'une école
technique dérive rapidement sur son souci principal: le prix prohibitif
de l'Internet au Viêt-nam. Vingt-cinq ans après avoir été conquise par
les troupes du Nord, Saïgon n'est devenue Ho Chi Minh-Ville que sur
les documents officiels.
Par Aude Dassonville - Libération - le 29 avril 2000.
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