Mong Cai, ville martyre de la guerre sino-vietnamienne ressuscite
MONG CAI - Des centaines de
Chinois et Vietnamiens se pressent dès l'aube sur le
pont qui enjambe la rivière Bac Luan: vingt ans après avoir été rasée par
les troupes chinoises, la ville frontalière de Mong Cai (nord) est devenue
le principal point de passage des échanges commerciaux sino-vietnamiens.
Les troupes chinoises qui avaient envahi le Vietnam en 1979 pour "punir"
Hanoi de son occupation du Cambodge, ont fait place aux commerçants chinois
qui franchissent chaque jour l'arche de marbre blanc qui abrite les
services douaniers et d'immigration vietnamiens.
Après avoir introduit une carte magnétique dans un appareil de contrôle
informatique, ces commerçants venus de la ville chinoise voisine de Dong
Hung vont rejoindre leurs étals dans un marché en béton d'architecture
futuriste spécialement construit à leur intention au centre de Mong Cai, à
350 km au nord-est de Hanoï.
De nombreux camions empruntent le même pont avant de décharger leurs
marchandises qui seront transportées dans tout le Vietnam où les produits
d'origine chinoise, meilleur marché, livrent une concurrence féroce aux
produits vietnamiens.
"Le commerce bilatéral a atteint 400 millions de dollars pour le district
de Mong Cai en 1998", indique M. Bui Hui Thiem, vice-président du Comité
populaire de la province de Quang Ninh.
Il faut y ajouter la contrebande, très active dans la région et à Mong Cai
même où, après la fermeture du poste frontière à la tombée de la nuit, des
contrebandiers chargés de caisses de marchandises franchissent à gué la
rivière qui sépare les deux pays.
Le tourisme contribue également au développement de la région et "Mong Cai
a accueilli en 1998 près de 200.000 touristes chinois qui transitent par la
ville pour se rendre à la baie d'Halong ou à Hanoï", précise M. Thiem.
"Les Chinois apprécient aussi de pouvoir s'approvisionner en produits de
luxe dans les boutiques hors-taxes installées au poste frontière", dit-il.
Si Mong Cai se trouvait en 1979 sur la première ligne de défense dressée
contre la Chine, les Chinois n'ont aujourd'hui pas même besoin d'un
passeport pour se rendre au Vietnam.
Un laissez-passer leur ouvre les portes du pays où de nombreux habitants,
même à Mong Cai, continuent cependant à craindre le puissant voisin du nord
et ses supposées visées hégémoniques.
"La ville a beaucoup souffert du dernier conflit sino-vietnamien, tout a
été détruit, mais aujourd'hui nous sommes tournés vers l'avenir et c'est
ici qu'a été créée la première Zone économique frontalière du Vietnam",
rappelle M. Luong Sinh, responsable des relations extérieures du Comité
populaire de la province.
La Zone économique frontalière, créée en 1996 sur le modèle chinois, offre
aux investisseurs des terrains à bas prix, et des taxes réduites, mais si
la ville de Mong Cai a connu un développement considérable grâce au
commerce et au tourisme, aucune industrie importante ne s'y est encore
implantée.
Une imposante route à quatre voies, baptisée "route de la Paix" part du
poste frontière, mais s'arrête 500 mètres plus loin, dans un terrain vague
qui attend la construction éventuelle de quelques usines.
"Pour attirer les investisseurs, nous devons encore améliorer les
infrastructures, le réseau routier et créer un port maritime près de Mong
Cai, sur le Golfe du Tonkin", précise M. Sinh.
Les autorités souhaitent également faire de Mong Cai, peuplée aujourd'hui
de 65.000 habitants, un important centre balnéaire en développant les
capacités d'hébergement de la plage de Tra Co, située à 15 km de la ville.
"Ho Chi Minh avait dit que la plage de sable fin de Tra Co, qui s'étend sur
17 km, est la plus belle du nord du Vietnam, et les commerçants chinois
aiment venir s'y relaxer après une journée affairée", dit M. Thiem.
AFP, le 26 Juin 1999.
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