Les mystérieuses momies du Vietnam
Une nouvelle statue-momie a été découverte dans la pagode Tiêu, province de Bac Ninh, à une vingtaine de kilomètres au nord de Hanoi. Une question se pose : " Quelle est le secret de la technique de momification des bonzes ? "
La momie du bonze bouddhiste Nhu Tri, en position de méditation, a été découverte dans la pagode Tiêu, actuelle province de Bac Ninh (Nord).
Le bonze Nhu Tri est décédé en 1721. Ses organes internes sont demeurés intacts, mais une orbite a été détruite et ses bras se sont détachés à la hauteur du coude. La pagode conserve encore quatre de ses livres permettant de déterminer sa date de naissance, sa situation personnelle et son œuvre. " Auparavant, la pagode Tiêu était inhabitée. Le bonze Van Hanh qui a élevé le roi Ly Công Uân y menait une vie religieuse. C'est ce roi qui a quitté en 1010 l'ancienne capitale de Hoa Lu (province de Ninh Binh au Nord) pour Thang Long (capitale actuelle de Hanoi) ", raconte le bonze supérieur de la pagode Tiêu. En 1971, ce bonze avait découvert la momie du bonze Nhu Tri. Selon les habitants du coin, il y avait 60 ans, un homme avait découvert une statue-momie dans une vieille tour au pied du mont Tiêu. De naturel taquin, il avait utilisé une baguette pour piquer un œil de ce bonze. Quelques jours après, cet homme mourut subitement. La pagode décida par la suite de refermer cette tour et la statue tomba dans l'oubli. Cachée pendant près de 300 ans dans une tour humide, la momie du bonze Nhu Tri commença à se dégrader.
Deux autres statues-momies de bonzes, celles de Vu Khac Minh (nom bouddhique de Dao Chan) et de Vu Khac Truong (Dao Tam), sont connues dans la pagode Dâu, district de Thuong Tín, province de Hà Tây, à une trentaine de kilomètres au sud de Hanoi, ont connu un sort identique. Les deux statues étaient dans un bon état quand elles se trouvaient dans la pagode. L'état de conservation des statues-momies dans des conditions naturelles, ainsi que la technique de momification des bonzes, étonnent toujours les archéologues. Cependant, une fois placées dans une cage en verre, les statues commencèrent à pourrir.
Technologie de momification
Les momies des bonzes supérieurs Vu Khac Minh et Vu Khac Truong, respectivement de 0,57 m et de 0,7 m de haut, viennent d'être restaurées par l'Institut national d'archéologie. Ces deux bonzes vivaient au XVIIe siècle et furent inhumés à la pagode Dâu. Selon la légende véhiculée par la population de la région, le religieux Vu Khac Minh pratiquait le zen dans un pagodon situé à droite de la pagode Dâu durant 49 jours. Chaque jour, il mangeait seulement un brin de légume et, pendant les derniers jour de sa vie, il mangea juste un grain de sésame. Le bonze Vu Khac Minh recommanda à ses adeptes de l'enterrer après 49 jours si son cadavre dégageait une mauvaise odeur. Après 49 jours, en ouvrant le pagodon, les adeptes ne sentirent aucune mauvaise odeur et mirent la momie du bonze dans la pagode Dâu pour pratiquer le culte.
Malgré la restauration des deux statues embaumées dans cette pagode, les archéologues n'ont encore trouvé aucune réponse concernant la technique de momification utilisée. Selon Nguyên Duy Hinh (Institut de recherche sur le bouddhisme), la Chine possède une statue-momie identique à celles de la pagode Dâu. C'est la statue embaumée du bonze Huineng. Il existe également un livre chinois sur le bouddhisme qui décrit en détail la technique de momification d'une statue. Le religieux Huineng a pratiqué le zen et s'est abstenu de s'alimenter jusqu'à ce que la mort survienne. Ses adeptes placèrent le cadavre du bonze dans un récipient avec un couvercle et placé sur un piédestal en bois présentant un trou au milieu. De la chaux vive et du charbon de bois furent placés au-dessous du piédestal pour absorber les substances organiques du corps jusqu'à ce que le cadavre soit décharné. Après, on revêtit le corps du religieux chinois d'une poudre parfumée. Ensuite, il fut enveloppé par des tissus et des lames d'acier avant d'être enfin enduit de laque. La statue-momie de ce bonze mesure 80 cm de haut. Cette hauteur est identique à celui des statues vietnamiennes de Vu Khac Truong et Vu Khac Minh.
Selon les chercheurs, il y a trois principes à suivre pour que les bonzes puissent aller au nirvana. Premièrement, les bonzes doivent pratiquer le yoga. Deuxièmement, ils doivent également réduire la prise de nourriture et de liquide afin d'éliminer leurs propres réserves corporelles. Une fois leur énergie épuisée, ils trouveront la mort. Enfin, les religieux ne doivent absolument pas faire des gestes brutaux ou remuer durant leur période de zen. En effet, s'ils bougent, ils risquent de déclencher des échanges métaboliques dans leur corps déjà trop affaibli et de trouver une mort subite sans pouvoir auto-préserver leurs corps. Leurs adeptes doivent appliquer les techniques nécessaires pour conserver les corps des religieux dès leur décès, techniques qui, selon le professeur Nguyên Lân Cuong, aboutit à la statue-momie. Si les momies égyptiennes et incas se voient retirées les viscères et le cerveau, on a trouvé, par contre, les organes intérieurs et le cerveau intacts dans la statue-momie du bonze Vu Khac Minh. Après la radiographie faite à l'hôpital Bach Mai (Hanoi) en 1980, les archéologues n'ont pas pu trouver de marque de forage sur la boîte crânienne de la statue pour une extraction du cerveau. Cette statue avait été enveloppée par des tissus et enduit de 14 couches de laque. Pour sa part, les organes internes sont demeurés intacts dans la statue-momie du bonze Nhu Tri. À ce jour, les archéologues ne savent pas encore quelle matière a été enduite sur le corps de ce religieux.
Le Vietnam recense actuellement cinq statues-momies, dont celles de la pagode Dâu. Ces dernières sont les plus précieuses et également les plus célèbres. Les deux autres sont les momies de Tù Dao Hanh, dans la pagode Tây, province de Hà Tây, et de Chuyêt Chuyêt de la pagode de Phât Tích, province de Bac Ninh. La dernière est enfin celle du bonze Nhu Tri qui vient d'être trouvée dans la pagode Tiêu, province de Bac Ninh.
Par Hoàng Giang - Le Courrier du Vietnam - 4 Juillet 2004.
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