Le Vietnam partagé entre communisme et modernité
DONG HA - Vingt-cinq ans après la fin de la guerre, le Vietnam est aujourd'hui partagé entre son héritage
communiste et un désir de modernité et de compétitivité économique. Des usines travaillant pour le compte de firmes symboles
de la mondialisation, telles que Nike et McDonald's, sont déjà implantées dans le pays.
A Hanoï, la capitale, il est difficile de deviner qui est sorti vainqueur du conflit achevé le 30 avril 1975 avec la chute de Saïgon.
Au ''New Century'', une boîte de nuit, la nouvelle génération se déhanche au son de rythmes occidentauxs, la casquette de
baseball vissée à l'envers sur la tête. L'entrée se monnaie à 40.000 dongs (21FF/3 euros) soit trois jours de salaire pour le
Vietnamien moyen, mais l'endroit est bondé.
Chez eux, les Vietnamiens se délectent de ''soap operas'' ou de copies pirates du film américain ''Apocalypse Now'', qui a pour
cadre la guerre du Vietnam, devant des récepteurs Sony en couleur. Ils chantent les succès des Beatles dans les karaokés,
découvrent le four à micro-ondes et troquent leurs bicyclettes pour des motos Honda assemblées dans le pays.
Le Japon, l'ancien occupant durant la Seconde Guerre mondiale, est aujourd'hui le ''parrain'' industriel du jeune Dragon
vietnamien. Les colons français ont eux laissé en héritage leur architecture et quelques restes de la langue de Molière. Et
l'avènement de l'ère ''Coca-Cola et Disney'', symboles de l'influence américaine, n'est pas loin.
Après une décennie d'isolement après la guerre, le Vietnam a commencé à s'ouvrir dans les années 80 à travers le ''Doi Moi'',
ou rénovation, une politique de réformes économiques. Il est depuis devenu le deuxième exportateur mondial de riz, alors
qu'auparavant il en importait.
Non loin des tunnels de Cu Chi (sud), ancien repaire des Viets Congs durant la guerre, une usine fabrique des chaussures de
tennis pour Nike. Une autre produit des jouets pour les repas ''Happy Meals'' de McDonald's...
Comme la Chine, son voisin géant du nord, le Vietnam souhaite ardemment rejoindre l'Organisation mondiale du commerce
(OMC) et développer ses exportations. Mais en même temps, Hanoï rechigne à ouvrir le secteur public à la concurrence
étrangère. Et maintenant que les réformes ''faciles'' ont été réalisées, les autres de plus grande ampleur, avancent au ralenti.
Critiqué en matière de droits de l'Homme, le pays assigne des dissidents à résidence et restreint les activités religieuses. Les
autorités sont visiblement déchirées entre les vieux réflexes communistes et le désir de rattraper les pays développés, ou encore
entre l'envie d'accueillir les ennemis d'hier, comme l'Amérique, et celle de les désigner comme responsables de la montée de la
criminalité, de la prostitution et de la toxicomanie.
Aux heures de pointes à Hô Chi Minh-Ville, ancienne Saïgon, dans le sud du pays, les 1,5 million de motocyclettes de la ville
-une pour trois habitants- semblent défiler en rang serré dans une bruyante procession. La ville est aujourd'hui le moteur
économique du pays.
Au nord, Hanoï, avec ses lacs et ses rues ombragées, représente le bastion du communisme. La ville se considère comme le
coeur politique et culturel du pays, mais pour les ''sudistes'' elle paraît bureaucratique et austère. Signe que les cicatrices de la
guerre ne sont pas complètement refermées, les habitants du Nord gardent une certaine méfiance envers l'ex-Saïgon, capitale
du gouvernement du Sud-Vietnam soutenu par les Américains durant le conflit.
Mais il semble que tous les Vietnamiens se retrouvent derrière une passion commune: le football. Durant la Coupe du monde
1998 en France, ils ont été des millions à veiller toute les nuits, décalage horaire oblige, pour suivre en direct la retransmission
des matches. Les possesseurs de récepteurs grand écran ont souvent laissé leur porte ouverte pour permettre aux voisins de
regarder depuis le trottoir.
Les victoires de l'équipe nationale sont du reste l'occasion de joyeuses célébrations, qui dégénèrent parfois au point de faire des
centaines de blessés.
Par Paul Alexander - Associated Press - le 28 avril 2000.
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