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"Mê Thao, il fut un temps" : dans le Vietnam colonial, la résurrection d'un passé enfui

Le charme d'une plongée dans un univers méconnu filmé par Viet Linh. Film vietnamien de Viet Linh avec Don Duong, Dung Nhi, Minh Trang. (1 h 44.)

Au début du XXe siècle, dans le Vietnam sous domination française, un musicien coupable d'assassinat se réfugie dans un domaine, Mê Thao, à l'invitation du maître des lieux. Mais bientôt, le propriétaire est frappé d'un deuil - sa fiancée meurt dans un accident d'automobile - qui le conduit à bannir de ses terres toutes les innovations technologiques. A Mê Thao, on ne tisse plus que de la toile écrue, on ne lit plus de livres imprimés, on n'écoute plus les phonographes. Mais pendant que les paysans régressent, les Français s'affairent à construire un chemin de fer.

Cette trame romanesque (le film est adapté - par Pham Tuy et Serge Le Péron - de Chua Dan de Nguyen Tuan) soutient une œuvre dont le charme repose beaucoup sur le formidable exotisme de l'univers évoqué. Les campagnes du Vietnam du siècle dernier, la musique savante qu'écoutent ou jouent les principaux personnages, les relations très complexes entre la puissance coloniale - absente de l'écran et pourtant omniprésente - et les élites, tout cela fournit un matériau de fiction d'autant plus fascinant qu'il est inédit pour un spectateur français.

Du coup, Mê Thao souffre moins qu'un film plus convenu de la raideur de la réalisation - cadres composés avec un soin exquis qui étouffent parfois la dynamique des séquences, direction d'acteurs qui laisse très exposés les moins assurés des interprètes - et de quelques fautes de goût étonnantes (la musique contemporaine de la bande-son est aussi atroce que sont fascinantes les mélodies interprétées dans le fil de l'intrigue).

Finalement, le motif principal du film - l'aspiration sans cesse frustrée à ressusciter un passé qui n'en finit jamais de fuir - impose sa nostalgie douce et fait de Mê Thao un plaisir fugace et rare.

Par Thomas Sotinel - Le Monde - 8 Décembre 2004.