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Comment les médecins français ont endigué la pneumopathie à Hanoï

Rentrée en France dimanche après un séjour de plus de quatre semaines à l'hôpital de Hanoï, l'équipe de soignants du Samu 93, reçue lundi soir par le ministre de la Santé, revient sur son combat contre la pneumopathie atypique.

«Nous étions tous volontaires pour partir» raconte le Dr Marianne Fleury, anesthésiste réanimateur au Samu 93 et chef de la mission qui a quitté la France le 14 mars avec du matériel de réanimation respiratoire et des tenues de haute protection. «J'avais déjà effectué plusieurs missions lors de tremblements de terre ou de guerre. Mais c'était la première fois que je partais pour faire face à un début d'épidémie.» Trois réanimateurs, deux infirmiers anesthésistes et un microbiologiste de l'Institut Pasteur de Paris ont fait partie de la première vague, rejoints quelques jours plus tard par cinq infirmières anesthésistes.

Leur mission : venir en aide à l'équipe de l'hôpital français de Hanoï qui était dans une situation critique car une trentaine de membres du personnel soignant étaient déjà touchés par cette mystérieuse pneumopathie. Un phénomène exceptionnel qui ne s'est vu dans le passé récent qu'en cas d'épidémie de fièvre hémorragique virale comme Ebola. «Notre premier travail a consisté à renforcer les équipes de réanimation et à organiser les soins et la protection du personnel pour éviter la propagation de l'agent infectieux», explique le Dr Fleury. Si la climatisation centrale avait déjà été éteinte pour éviter une éventuelle redissémination du germe, la mission a fait ouvrir toutes les fenêtres de l'hôpital pour ne pas concentrer le virus dans un milieu confiné et a demandé au personnel soignant non malade de ne pas rentrer chez lui le soir pour éviter toute dissémination du foyer infectieux. Bien évidemment, toutes les mesures d'hygiène et d'asepsie ont été mises en oeuvre et en particulier séparer les circuits de «propre» et de «sale» pour le linge.

«Au niveau individuel, la situation était particulièrement difficile pour les soignants de Hanoï car ils devaient prendre en charge leurs proches, leurs collègues. Mais il n'y a pas eu de psychose, malgré les quatre décès survenus en très peu de temps, dont deux infirmières et deux médecins. C'était très lourd affectivement mais ils sont tous restés dans leur rôle», analyse-t-elle.

A la demande du directeur général de la Santé un microbiologiste s'est joint à la mission de réanimateurs, le Pr Jean-Claude Manuguerra, directeur du Centre de référence des virus respiratoires à l'Institut Pasteur de Paris. Afin de pouvoir récupérer très vite les prélèvements (de nez, de gorge, de sang) et les faire acheminer dans les meilleurs délais à l'Institut Pasteur puisqu'il était impossible pour les chercheurs français d'analyser ceux des autres contrées.

«J'ai eu un premier sentiment de soulagement lorsque je me suis rendu compte sur place très vite grâce aux tests diagnostics qu'il ne s'agissait pas de la pandémie de grippe que nous redoutons tous», confie-t-il. «Mais en même temps, j'étais inquiet car je me sentais assez démuni face à un agent infectieux encore parfaitement inconnu et pour lequel il n'y avait aucun test de diagnostic.»

Selon ce chercheur, c'est lors de l'hospitalisation du premier cas à Hanoï celui de l'homme d'affaires sino-américain, dès le 26 février que les soignants ont été contaminés massivement car ils ne prenaient aucune précaution à l'époque ne sachant pas, bien évidemment alors, qu'il s'agissait d'un début d'épidémie. La quantité de virus a été alors très importante car pour les maladies virales c'est au début des symptômes que la transmission de particules virales est la plus élevée. «L'air recyclé et la climatisation peuvent aussi favoriser la dissémination de cet agent infectieux. C'est la raison pour laquelle la climatisation de l'hôpital a été coupée très vite et les fenêtres ouvertes» insiste-t-il.

Aujourd'hui, le foyer infectieux de l'hôpital de Hanoï est quasiment maîtrisé. Mais le fils du dernier malade hospitalisé et dans un état grave, un médecin français d'origine vietnamienne, demande aux autorités sanitaires françaises son rapatriement.

Quatorze patients étaient encore hospitalisés au Vietnam mardi soir, selon les derniers chiffres de l'OMS qui précise qu'aucun nouveau cas n'a été enregistré dans le pays. 62 cas au total y ont été enregistrés depuis le début de l'épidémie dont 44 sont guéris mais quatre décédés.

Par Catherine Petitnicolas - Le Figaro - 9 Avril 2003.