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Des médecins suisses s'apprêtent à investir dans un hôpital privé au Vietnam

Pour que le développement soit durable, mieux vaut miser sur le rentable. Les initiateurs franco-vietnamiens d'un projet sanitaire original proposent aux médecins d'y participer en devenant actionnaires

Rentabilité, investissement, taux de capitalisation, les termes employés par les médecins pour attirer leurs pairs dans le projet de l'hôpital franco-vietnamien (FVH) d'Hô Chi Minh-Ville – qui sera présenté jeudi à l'Hôpital cantonal de Genève – relèvent plus de l'économie que de l'humanitaire. A la première analyse, le principe laisse un peu perplexe: s'agit-il de construire un hôpital privé – le premier établissement de ce genre au Vietnam – pour venir en aide à la population ou pour assurer du travail aux chirurgiens occidentaux? Pour participer à ce que les initiateurs du projet qualifient «d'aventure économique unique au monde», il faut en effet faire une mise de fonds de 37 000 francs sous forme d'actions, et s'engager à travailler deux semaines par an pendant six ans. Des séjours eux-mêmes rétribués 8900 francs. L'hôpital est destiné à la classe moyenne. Une fondation a été créée pour permettre aux plus pauvres d'accéder à des soins nécessitant une technologie de pointe. Le but est également de for- mer les médecins locaux, et l'hôpital deviendra public au terme de cinquante ans d'existence.

«Nous nous sommes demandé comment construire un hôpital de qualité au Vietnam, explique Stéphane Romano, médecin et membre fondateur. Et si nous avons opté pour un système de financement capitaliste, dans une structure politique communiste, c'est parce qu'il est efficace et surtout pérenne.» Stéphane Romano sait de quoi il parle, l'humanitaire il connaît pour avoir travaillé notamment en Afghanistan, en Irak, au Sri Lanka, tant pour Médecins sans frontières que Médecins du monde. Les 400 médecins actionnaires du FVH ont d'ailleurs généralement un passé humanitaire. Ils sont âgés de 45 à 48 ans en moyenne et sont largement reconnus dans leur spécialité, selon une étude interne. C'est avant tout l'aventure médicale proposée qui les motive, l'argument financier vient en dernière place. «La démarche humanitaire fonctionne dans des situations aiguës, mais ce n'est pas la bonne voie pour le long terme. Nous voulons que le FVH soit rentable afin de pouvoir payer les médecins, former la relève et renouveler le matériel. Si nous fournissions un hôpital clés en main, il ne fonctionnerait pas longtemps.»

A Genève, le professeur Bernard Faidutti, spécialiste de chirurgie cardiaque et vasculaire, s'est laissé tenter par l'aventure et par son aspect réaliste. «Je travaille depuis plus de 30 ans pour Terre des Hommes, et je ne qualifierais pas le projet d'humanitaire, car la démarche n'est pas totalement désintéressée, disons que nous travaillons gratuitement pendant quatre ans. Ensuite, les actions peuvent prendre de la valeur ou en perdre. De toute façon, ce n'est pas un gain hypothétique qui me motive, mais l'idée de garder un certain contrôle. Car le pouvoir politique a admis que notre gestion soit indépendante. J'ai opéré pour TdH en Afrique, au Moyen-Orient où nous avons parfois rencontré des problèmes insurmontables. Et l'idée de former des gens, par ailleurs extrêmement doués, me plaît. C'est un des beaux côtés du métier, même si cela ne représente qu'une goutte d'eau dans l'océan.»

Les médecins qui s'engagent ne comptent certainement pas augmenter leurs revenus de cette manière, mais le fait d'être dédommagé encourage une action durable. Et c'est un élément primordial pour la Société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale, spécialisée dans les projets privés. Pour Arthur Lévi, directeur du Département santé et éducation de la SFI, trop souvent humanitaire rime avec éphémère. «Notre objectif est la durabilité, explique-t-il. Or, tout projet repose sur trois éléments: l'argent, l'argent et l'argent! Et il y en a de moins en moins, si bien que les fonds accordés à un projet peuvent lui être retirés à tout moment. Il vaut donc mieux miser sur la création d'entreprises rentables, c'est un gage de durabilité, c'est une façon réaliste de concevoir l'aide humanitaire. Pour ma part, je ne crois pas au bénévolat.»

Séance d'information le jeudi 10 octobre à 20 h, salle Opéra de l'Hôpital cantonal de Genève.

Par Marie Christine Petit Pierre - Le temps (ch) - 7 octobre 2002