L'homme qui a sauvé John McCain au Vietnam raconte
HANOI - La course à la Maison Blanche aurait été très différente si Mai Van On, un Vietnamien
aujourd'hui âgé de 83 ans, n'avait sauvé un pilote de chasse américain, abattu par la DCA vietnamienne, il y a 33 ans: un certain
John McCain...
M. On se dit déçu des récentes déclarations de M. McCain, qui a affirmé avoir été torturé au Vietnam. Des propos qualifiés
par Hanoï de ``blessants pour le peuple vietnamien.'' Il estime toutefois que l'élection à la présidence américaine du sénateur de
l'Arizona serait une bonne chose pour les relations bilatérales.
Le 26 octobre 1967, John McCain, alors pilote de l'aéronavale âgé de 31 ans, participait à une mission de bombardement sur
la capitale du Nord-Vietnam, Hanoï. Après le retentissement des sirènes d'alerte, Mai Van On se réfugia avec d'autres dans un
abri sur les rives du lac Truc Bach, et la DCA vietnamienne entra en action.
``J'étais à l'entrée de l'abri quand j'ai vu un avion touché par un missile. La queue a été coupée et il est tombé'', se souvient le
frêle octogénaire au visage émacié et orné d'un bouc blanc. ``Je suis sorti précipitamment. D'autres ont essayé de m'en
empêcher disant que c'était trop dangereux et me demandant 'pourquoi veux-tu aller sauver notre ennemi?'''
``J'y suis quand même allé, j'ai pris une perche en bambou et j'ai nagé jusqu'à l'endroit où il a été abattu. C'était à 200 mètres
de distance. Seul son parachute flottait.''
M. McCain, emmêlé dans les cordes de son parachute et inconscient, se trouvait sous la surface du lac, qui atteint cinq mètres
de profondeur. M. On raconte avoir dégagé les cordes et tiré le pilote vers la surface. ``Sa tête pendait et ses yeux étaient clos.
Ils se sont peu à peu ouverts et j'ai vu un regard exprimant son soulagement d'être en vie.''
Il a tendu à M. McCain un bout de la perche tout en tenant l'autre bout et en nageant à l'aide d'un seul bras.
Bien qu'il avait pris sa retraite de l'armée sept ans plus tôt, à l'âge de 43 ans, il était encore en bonne condition physique. Il avait
fait partie des commandos ayant combattu l'armée française durant la guerre d'Indochine. Un autre homme les a aidés à
rejoindre la rive.
John McCain ``ne pouvait pas marcher, alors j'ai dû l'aider. D'abord, j'ai pensé qu'il n'était pas blessé, mais j'ai appris plus tard
qu'il avait un bras et une jambe cassés'', dit M. On.
``Une quarantaine de personnes assistaient à la scène. Ils étaient près à se jeter sur lui, à le frapper et lui jeter des pierres. Je
leur ai demandé de ne pas le tuer. Il a été battu un moment avant que je puisse les arrêter.''
M. McCain a été remis à la police locale. Ce ne fut que bien des années plus tard que M. On a appris le nom de l'homme qu'il
avait sauvé et qu'il a su qu'il faisait carrière dans la politique.
Les deux hommes se sont rencontrés en novembre 1996 durant l'un des six déplacements de M. McCain au Vietnam depuis la
fin de la guerre. Il lui a donné un porte-clé à l'emblème du Sénat américain, que M. On conserve dans une petite boîte en
plastique.
``Nous nous sommes serré la main et donné l'accolade. Il s'est assis près de moi et m'a demandé: 'j'étais votre adversaire,
pourquoi m'avez vous sauvé?' Je lui ai répondu: 'Vous alliez mourir. Etant donné la fibre humanitaire du peuple vietnamien, je
vous ai sauvé'.''
Aujourd'hui Mai Van On et sa femme vivent avec une retraite combinée de 400.000 dongs (moins de 200FF/30 euros) par
mois et cohabitent dans leur petite maison d'un étage avec 11 proches.
S'il est fier d'avoir sauvé M. McCain, il se dit déçu des affirmations de ce dernier, selon lesquelles il aurait été torturé durant sa
détention de cinq ans dans la prison dite ``Hilton de Hanoï''.
Associated Press, le 23 Février 2000.
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