Les responsables vietnamiens échouent à masquer la crise des Hauts-Plateaux
PLEIKU - Malgré les tentatives des autorités vietnamiennes
de masquer l'importance des manifestations des minorités ethniques des Hauts-Plateaux
du centre du Vietnam, des journalistes étrangers admis pour la première fois cette
semaine dans la région ont pu constater l'importance de la crise.
En dépit des importantes mesures de sécurité prises par les autorités, les protestations des minorités ethniques
chrétiennnes se poursuivent dans les campagnes des Hauts-Plateaux, ont indiqué des résidents de la région.
Des affrontements violents ont encore eu lieu la semaine dernière dans le district de Chu Prong, à l'ouest de
Pleiku, capitale de la province productrice de café de Gia Lai, selon les résidants.
Des manifestations se sont déroulées depuis le début février dans pratiquement tous les 13 districts de la
province, les membres des minorités ethniques protestant contre l'afflux massif de colons de l'ethnie majoritaire
vietnamienne, les kinh, qu'ils accusent d'avoir confisqué leurs terres ancestrales.
Les autorités, qui ont fêté samedi le 26ème anniversaire de la chute de Pleiku aux mains des forces communistes
à la fin de la guerre du Vietnam, ont imposé d'importantes mesures de sécurité dans la ville où de nombreux
agents des forces de sécurité en civil ont pris place afin d'éviter de nouvelles manifestations.
Après avoir finalement autorisé la presse étrangère à se rendre dans la région, à la suite d'accusations de
non-respect des droits de l'homme, les autorités ont systématiquement empêché les journalistes d'entrer en
contact avec les protestataires.
Les journalistes ont du se contenter de rencontrer des officiels et de visiter des villages touristiques étroitement
contrôlés.
Toutefois, des contacts impromptus avec la population ont permis de mesurer la profondeur de la crise et ses
implications sur les droits de l'homme qui menacent de remettre en question la ratification par les Etats-Unis d'un
accord commercial bilatéral signé avec le Vietnam.
Des habitanst ont précisé que les églises protestantes locales, interdites par les autorités, ont joué un rôle
important dans les manifestations et ont été en retour victimes de répression.
Ces églises ont fait de nombreux adeptes au cours des dernières années du fait de leur utilisation des langues des
minorités ethniques dans leurs prêches.
"Le gouvernement a interdit les églises installées dans les habitations", a indiqué le chef d'un village modèle
présenté à la presse, provoquant le mécontentement des responsables qui accompagnaient le groupe de
journalistes.
"Toutes les églises sont installées dans des maisons car le gouvernement ne nous autorise pas à construire de
vraies églises", a précisé Wanh, le chef du village de De Ktu, dans le district de Mang Hlang, au nord de Pleiku.
Wanh a ajouté que de nombreux cultes animistes de l'ethnie Ba Na, tels que des fêtes, des sacrifices et la
médecine traditionnelle, ont également été interdits par les autorités pour "extravagance" ou "superstition".
A Khong, un village protestant de l'ethnie Jarai englobé dans l'agglomération de Pleiku, des résidants ont indiqué
qu'ils étaient surveillés par des hommes en civil depuis des manifestations, le 2 février dernier.
"Le chef du village a été convoqué par la sécurité pour s'expliquer et être rééduqué", a dit un habitant.
D'autres résidants de la région ont affirmé que le protestantisme avait donné aux minorités etniques un sens plus
large à leurs revendications face à la confiscation de leurs terres ancestrales par les colons kinh.
"Certains membres des minorités affirment qu'ils veulent récupérer leur terres dans les quatres provinces des
Hauts-Plateaux du centre" remarquait avec indignation la femme d'un propriétaire de café d'ethnie kinh.
Agence France Presse, Saint Patrick 2001.
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