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L'UE dénonce une manipulation de Hanoi sur les minorités des hauts-plateaux

Des diplomates de l'Union européenne à Hanoi ont brusquement haussé le ton avec le régime vietnamien cette semaine, estimant avoir été manipulés au terme d'un voyage organisé dans les hauts-plateaux du centre du pays pour faire le point sur la situation des droits de l'homme. Une délégation de la Troïka européenne, composée de diplomates d'Italie, des Pays-bas et de la Commission européenne, s'est rendue dans la province de Dak Lak (centre du pays) du 4 au 6 juin.

Partie pour tenter d'en savoir plus sur la situation des minorités ethniques des hauts-plateaux, la mission est revenue avec un sentiment plus que mitigé. "Nous avons des doutes sur ce genre de visite. Nous sommes allés trois fois (dans la région) et nous ne savons pas si nous voulons continuer à être ainsi utilisés et contrôlés par l'Etat", a indiqué à l'AFP un membre de la délégation. L'UE adopte traditionnellement un ton plutôt feutré avec Hanoi sur la question des droits de l'homme et réserve ses critiques aux discussions privées.

Mais un article du quotidien francophone gouvernemental, le Courrier du Vietnam, a particulièrement exaspéré les diplomates. Le journal prétendait que ces derniers "s'étaient félicités de la stabilité de la situation ainsi que de l'amélioration du niveau de vie de la population de Dak Lak". "Nous ne nous sommes pas félicité de quoi que ce soit. Ceci relève d'une volonté délibérée de déformer notre position", a rectifié le diplomate auprès de l'AFP.

Le régime communiste vietnamien est accusé d'avoir sévèrement réprimé, en février 2001, les manifestations de quelque 20.000 personnes contre l'absence de liberté religieuse et la confiscation des terres des minorités au profit de l'ethnie majoritaire Kinh. Hanoi affirme que la Fondation des Montagnards (MFI), basée aux Etats-Unis, a tout organisé. Ses adeptes revendiquent le protestantisme Dega, une référence à la fois dogmatique et politique, puisqu'ils réclament l'indépendance. Mais les observateurs affirment que la plupart des manifestants souhaitaient simplement récupérer leurs terres ancestrales et leur liberté de culte.

En avril dernier, l'organisation Human Rights Watch a accusé Hanoi d'intensifier sa politique de répression. Et en mai, des journalistes étrangers avaient été conviés à un voyage étroitement encadré dans la région. Comme la presse, les diplomates de la Troïka ont entendu les dénégations systématiques des autorités locales, qui ont cependant rappelé que les organisations religieuses devaient être approuvées par le Parti communiste et que les "tentatives de sabotage de l'unité nationale seraient sévèrement punies". "Ces dispositions légales sont en désaccord avec les conventions internationales sur les droits de l'homme", a souligné le diplomate européen.

Après le voyage de presse de mai dernier, l'AFP a obtenu une copie d'"invitations" envoyées aux responsables religieux locaux entre janvier et avril dernier, leur ordonnant de participer à des réunions pour "comprendre en profondeur les problèmes religieux". Au cours de ces voyages organisés, les minorités ethniques ont elles aussi nié l'existence d'une quelconque répression. Mais cette unanimité a peut-être des raisons cachées.

Selon un pasteur de l'ethnie Kinh, des responsables des services de renseignement et des policiers de Dak Lak ont contacté les habitants sur le chemin de la visite de presse, les menaçant de "mesures appropriées" s'ils prenaient des libertés par rapport au discours officiel.

Par Ben Rowse - Agence France Presse - 15 Juin 2003.