En épinglant un vaste réseau mafieux en 2002, le Vietnam a soigné son image
Las d'être épinglé pour sa corruption, le Vietnam a
tenté de montrer un nouveau visage en 2002, en
traînant devant la justice plusieurs hauts dignitaires
du régime, accusés d'avoir protégé le plus grand
mafieux de l'histoire du pays depuis 1975.
Le "parrain" de la mafia saïgonaise, Truong Van Cam
alias "Nam Cam", 55 ans, sera jugé début février
dans un procès qui devrait durer plusieurs semaines.
Pas moins de 155 accusés comparaîtront à ses côtés,
parmi lesquels Bui Quoc Huy, ancien vice-ministre de
la Police, Tran Mai Hanh, ex-directeur général de la
radio officielle la Voix du Vietnam, et Pham Si Chien,
ex-directeur adjoint du Parquet populaire suprême.
L'"affaire Nam Cam", révélée lors de l'arrestation du
gangster en décembre 2001, a fait la une de la
presse tout au long de l'année, et a donné une
matérialité à un discours officiel qui stigmatisait
depuis quelques années la corruption des
hauts-fonctionnaires, mais n'était pas suivi d'effets.
Le Vietnam est régulièrement classé comme l'un des
pays les plus corrompus du monde. Mais la classe
dirigeante ne l'ignore plus.
"La corruption est partout. Mais les autorités le
savent. Quand elles voient un journal étranger
l'évoquer sur trois colonnes, ça ne leur fait pas
plaisir", souligne un analyste étranger.
Cette fois, la réponse a changé d'échelle. La police, la
presse, la magistrature et même le parti communiste
(PCV) ont été salis par l'affaire, l'inculpation de Huy
et Hanh ayant été précédée par leur expulsion du
PCV.
Le gangster bénéficiait, selon la presse, de l'appui de
nombreux responsables de Ho Chi Minh-Ville (sud)
pour organiser assassinats, trafics de drogues,
prostitution, jeux d'argent et autres rackets.
Il avait déjà été arrêté une première fois en 1995
dans l'ex-Saïgon, avant d'être relâché 30 mois plus
tard à la suite d'interventions de hautes
personnalités. S'il est déclaré coupable, il est passible
de la peine de mort.
Le dossier est aujourd'hui emblématique d'une
fermeté nouvelle. Le parti contrôle tous les postes
clés du pouvoir et sait qu'il souffre d'un décalage
croissant avec les aspirations du peuple. Les autorités
ont donc promis que nul ne pourrait désormais se
prévaloir d'être au dessus des lois.
Pour l'étranger, l'affaire est tout aussi fondamentale.
Le Vietnam se remet de la crise asiatique de 1997,
est engagé depuis un an dans un accord commercial
décisif avec les Etats-Unis et travaille toujours à son
intégration, aujourd'hui hypothétique, dans
l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Un objectif qui passe aussi par la lutte contre la
corruption, évoquée début décembre lors de la
réunion des pays donateurs étrangers.
"L'émergence de relations malsaines entre les
membres du gouvernement et les entreprises privées
et nationalisées peut compromettre une croissance
saine", avait notamment souligné Gun-Britt
Andersson, secrétaire d'Etat suédoise aux Affaires
étrangères.
L'affaire Nam Cam "est en cours et il reste bien des
choses à découvrir. Mais la réponse globale au
problème est bon et la communauté étrangère le
regarde comme un acte majeur", estime Kay Marcus
Schröter, directeur-adjoint de la chambre de
commerce européenne à Hanoi.
Voilà pour le message. Mais il faudra du temps.
"Le problème principal demeure entre le pouvoir
central et les provinces. Les hauts-responsables font
tout ce qu'ils peuvent, mais dans certaines régions,
vous pourriez encore rencontrer quelques difficultés",
ajoute-t-il.
Par Didier Lauras - Agence France Presse - 29 Décembre 2002.
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