Les Hanoïens souffrent d'une sérieuse pénurie de
logement
HANOI - Huit membres d'une même famille
partagent une habitation de 10 m2 et utilisent avec
leurs voisins une cuisine collective de 6 m2: de telles situations sont
devenues courantes dans la capitale vietnamienne où la majorité des
habitants souffrent d'une grave pénurie de logements.
Dans de nombreuses familles hanoïennes, la superficie moyenne du logement
n'est que de deux mètres carrés par personne et le quartier commercial de
Hoan Kiem, au centre de Hanoï où le prix d'un m2 de logement peut atteindre
6.500 à 7.000 dollars, détient le record de la densité démographique, avec
43.000 personnes/km2.
"Une très faible partie des besoins en logement des Hanoïens a été réglée
car l'Etat a mis fin à son régime de subventions dans ce secteur depuis dix
ans seulement. Donc la pénurie devient de plus en plus sérieuse", explique
Hoang Thu Thuy de la Compagnie immobilière de Hanoï.
Cette pénurie de logement frappe particulièrement 300.000 personnes à Hanoï
et 30% des 2,5 millions d'habitants de la ville vivent depuis plusieurs
années dans des maisons vétustes et polluées dont le coût de rénovation
dépasse largement les moyens financiers du Comité populaire municipal.
"Faute de moyens financiers, il est indispensable d'élaborer un cadre légal
raisonnable pour les investisseurs étrangers dans la construction et le
commerce des logements", estime Mme Thuy.
La situation est encore pire dans le "vieux quartier" regroupant les 36
anciennes rues de Hanoï où vivent 100.000 personnes sur une superficie de
100 hectares et où 50% des foyers ne disposent pas de toilettes
indépendantes et 20% n'ont pas de cuisine, selon des statistiques
officielles.
Par ailleurs, quelque 3.600 bâtiments anciens et villas de style français
et datant de l'époque coloniale de la vieille ville risquent de s'effondrer
en l'absence totale de travaux d'entretien dont le financement doit être
pris en charge par l'Etat.
"Ces chiffres sont effrayants. La rénovation et la préservation du vieux
quartier sont extrêmement difficiles en raison des constructions illégales
et de la très forte densité démographique", commente Le Vu Luyen, membre de
l'Association des architectes hanoïens.
La population de Hanoï augmente en moyenne chaque année de 70.000 personnes
dont 22.000 sont des "immigrants illégaux" venus massivement des régions
rurales voisines pour tenter d'échapper au chômage, sans compter les
milliers d'étudiants originaires des campagnes cherchant à rester dans la
capitale après la fin de leurs études.
"Le déplacement des gens vers Hanoï constitue un véritable casse-tête et la
ville manque dramatiquement de terrains", affirme Nguyen Hung, responsable
du service municipal du cadastre.
L'objectif de porter la surface moyenne minimale par habitant de 5,5 m2
actuellement à 10 m2 en l'an 2010 sera difficile à réaliser si les
habitants des campagnes continuent à penser qu'"un lit en bois précieux à
la campagne ne vaut pas une place pour commercer sur un trottoir de Hanoï",
selon un proverbe vietnamien.
Les autorités municipales ont essayé d'améliorer la situation. Près de 340.
000 m2 de logements ont été construits l'an dernier à Hanoï, soit une
hausse de 55% par rapport à l'année précédente (contre un million de m2 sur
la période 1991-95), mais ces efforts restent insuffisants.
La "cohabitation" de plusieurs personnes sur une superficie insuffisante
provoque des maladies contagieuses comme la tuberculose, les affections
respiratoires et les dermatoses, notamment chez les enfants dont beaucoup
ne disposent pas de place pour jouer.
"Mon fils a attendu 8 ans pour se marier car nous n'avons pas d'espace pour
lui. Avec son maigre salaire, il lui faudra attendre encore au moins 20 ans
et se priver de tout pour acheter une maison de qualité moyenne", remarque
avec amertume un ancien officier de l'armée à la retraite.
AFP, le 25 Août 1999.
|