Un apparatchik vietnamien en visite à Paris
BANGKOK - Le général Le Kha Phieu, chef du Parti communiste vietnamien
(PCV), a été reçu hier par Jacques Chirac. Agé de 68 ans, il est le
premier secrétaire général du PCV à visiter la France. Le Président
l'a assuré du soutien de la France à la «politique de réforme et
d'ouverture» du Viêt-nam. Deux ans et cinq mois après son
accession à la tête du Parti, Le Kha Phieu est pourtant loin d'incarner
l'ouverture. Il est même considéré comme un symbole d'immobilisme,
prisonnier des multiples conflits qui déchirent l'appareil à l'approche
du IXe congrès du Parti, qui doit se tenir en juin 2001. Secrétaire
général par défaut - les cadres du Parti avaient été incapables de
s'entendre sur le choix d'un successeur à Do Muoi, lors du congrès de
juin 1996 -, cet ancien commissaire politique de l'armée n'a pas
encore réussi à établir son autorité sur la «machine du Parti».
Sa seule initiative marquante a été le lancement d'une vaste campagne
anticorruption qui a débouché sur une série de procès, au terme
desquels des cadres du Parti ont été condamnés à de longues peines
de prison, voire à la peine de mort. En mai 1999, il a déclaré
l'ouverture d'une «campagne de critique et d'autocritique» étalée
sur deux ans pour «purifier les rangs du Parti». Cela a donné le
signal, plus tôt que d'habitude, de la course entre les différentes
factions régionales pour préserver les privilèges et les positions de
leurs membres et s'en assurer d'autres. Imprégné d'idéologie, peu
intéressé par l'économie, Le Kha Phieu a été l'artisan du
ralentissement des réformes de libéralisation économique - la Doi Mo
(«politique de renouveau») - lancées à la fin des années 80. Son
manque d'assise dans le Parti l'a rendu vulnérable aux pressions
conservatrices de l'ancien chef du Parti Do Muoi et surtout de l'ancien
président Le Duc Anh, officiellement en retraite, mais qui continuent à
jouer les conseillers auprès du bureau politique. «La Doi Moi ne
signifie pas que nous changeons nos couleurs», a déclaré Le Kha
Phieu lors du 70e anniversaire de la fondation du PCV. La principale
victime de cet attentisme a été l'accord commercial bilatéral entre les
Etats-Unis et le Viêt-nam qui devait ouvrir certains secteurs (banques
et télécoms) aux entreprises américaines, en contrepartie de
l'ouverture de l'ensemble du marché américain pour les firmes
installées au Viêt-nam. La signature a été reportée sine die en
septembre dernier.
Par Arnaud Dubus - Libération - le 23 Mai 2000.
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