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Notre projet est d'approfondir les réformes

Lê Kha Phieu entame une visite officielle de quatre jours en France Le secrétaire général du Parti communiste vietnamien, Lê Kha Phieu, est arrivé, lundi 22 mai, à Paris pour une visite de quatre jours en France, la première d'un numéro un vietnamien dans un pays occidental. Dans une interview exclusive accordée au Monde avant son départ, il affirme que « le projet pour le début de siècle est d'approfondir les réformes et l'ouverture du pays et nos relations avec les étrangers ».

HANOI - « En nous appuyant sur nos propres forces, sur une réforme de la bureaucratie et sur des relations renforcées avec les pays les plus avancés, nous pouvons développer le Vietnam, j'en ai la forte conviction. » Dans son premier entretien accordé à un journal occidental, le général de division Lê Kha Phieu, soixante-huit ans, secrétaire général du Parti communiste vietnamien depuis fin 1998, n'hésite pas à le répéter : « Nous souhaitons la consolidation de nos relations avec les pays industriels avancés, la France, l'Union européenne. Nous connaissons beaucoup de difficultés. Il nous faut réformer nos cadres qui ont grandi dans la guerre, il nous faut des apports de technologie », ajoute-t-il, avant de résumer : « Nous allons approfondir le renouveau [les réformes amorcées en 1986] , l'ouverture du pays et nos relations avec les étrangers ; voilà notre projet de début de siècle. »

Le secrétaire général du PC, gros travailleur qui s'est apparemment imposé depuis son élection voilà deux ans et demi, n'éprouve toutefois aucun état d'âme quand on l'interroge sur le monopole du pouvoir exercé par son parti. « Lors d'une visite à Hanoï, le président du Pérou m'a posé la même question. Je lui ai répondu : »Je suis communiste et vous êtes président du Pérou. Je ne vous fais rien. Les communistes ne mangent pas les gens«. » « Est-ce qu'un dictateur peut se promener librement, comme moi, à travers les villages de son pays ? », ajoute-t-il, clichés à l'appui d'un Lê Kha Phieu en bras de chemise, entouré de paysans endeuillés et pataugeant dans la boue du centre du Vietnam inondé voilà quelques mois. « Il ne faut pas, poursuit-il, avoir peur des malentendus à propos des communistes. Le Parti communiste vietnamien est le parti du peuple, c'est à la fois son honneur et sa lourde responsabilité. Au Vietnam, beaucoup de partis ont essayé de remporter la victoire contre les colonialistes. Ils sont allés d'échec en échec jusqu'au jour où le PC a pris la direction de la résurrection et remporté la victoire. Nous avons obtenu l'indépendance et, depuis, pas à pas, nous avons amélioré le niveau de vie de la population. Même si le pays est encore pauvre, les besoins de première nécessité sont satisfaits. » Après cette écriture de l'histoire et tout en éludant une question sur les prisonniers politiques, Lê Kha Phieu ajoute : « Ailleurs, là où il y a le multipartisme, nous respectons ce choix. »

A l'ordre du jour figure donc « la restructuration du PC », en cours depuis un an, dont « les premiers résultats sont encourageants » et dont « l'un des objectifs principaux est la lutte contre la corruption et la bureaucratie », qualifiées de « fléaux nationaux qui n'ont pas été complètement enrayés ». Lê Kha Phieu admet que la reconstruction entreprise après la victoire de 1975 s'est traduite par « des résultats insuffisants pour plusieurs raisons : une crise économique et sociale, un manque de vivres, le début de l'effondrement des pays socialistes et l'effet de l'embargo américain jusqu'à sa levée en 1994 ». En fait, ajoute-t-il, le Vietnam n'a connu « que quelques années » d'essor économique après 1990.

La présidence de l'ASEAN

Ensuite, catastrophes naturelles et crise régionale sont intervenues : « Les investissements étrangers ont stagné à cause de notre appareil administratif et parce que beaucoup d'investisseurs étrangers appartenaient à des pays en difficulté », dit-il. La reprise ne s'amorce que depuis le début de cette année, avec un taux d'expansion « aux alentours de 5,6 % pendant le premier trimestre » ainsi qu'une relance du tourisme et le début d'un retour des investisseurs étrangers. Le Vietnam connaît également d'autres soucis. A compter du 1er juillet et pour un an, il assurera pour la première fois la présidence de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean) dont il est membre depuis 1995. Lê Kha Phieu reconnaît que, dans la région, « la déstabilisation est une réalité, non seulement au Timor-Oriental et à Atjeh [en Indonésie] mais également dans d'autres endroits ». « C'est, poursuit-il, une question très complexe. D'un côté, le Vietnam respecte le choix de chaque peuple à disposer de son sort. De l'autre, si chaque province exige l'indépendance, la déstabilisation aura des répercussions également à l'extérieur des frontières de l'Etat concerné. »

Il estime que « la France a une place et un rôle très importants dans les relations extérieures du Vietnam » et que sa visite à Paris, à l'invitation de Jacques Chirac, constituera « une nouvelle étape » dans leur développement. François Mitterrand avait été, en 1993, le premier chef d'Etat occidental à se rendre au Vietnam et Jacques Chirac s'y est rendu à son tour en 1997, à l'occasion d'un sommet de la francophonie. Sur le plan diplomatique comme sur le plan intérieur, de profonds changements ne semblent pas à l'ordre du jour. « Dans sa politique extérieure, le Vietnam accorde la priorité au développement de ses relations avec les pays voisins et amis traditionnels », au premier rang desquels la Chine, la Russie, l'Inde, le Laos et le Cambodge.

Lê Kha Phieu n'en met pas moins l'accent, à plusieurs reprises, sur les relations avec « les pays avancés » dont, entre autres choses, des milliers de boursiers vietnamiens fréquentent les universités. « Notre parti, prononce-t-il comme une sentence, attache une grande importance à la stratégie de consolidation des cadres, à la formation, au perfectionnement et à la promotion des jeunes en remplacement de leurs aînés âgés. » En d'autres termes, la relève d'anciens combattants par une jeunesse instruite, notamment en Occident, est l'un des recours du communisme vietnamien pour assurer la pérennité de son pouvoir et le développement du pays. Un autre est la vaste campagne actuelle en faveur des « valeurs que l'histoire nous a léguées, le patriotisme, la grande union nationale, l'esprit de compter sur ses propres forces ». « En buvant de l'eau, il faut penser aux sources », dit encore Lê Kha Phieu, citant un dicton local.

Par Jean Claude Pomonti - Le Monde, le 22 Mai 2000.


Un « arbre de l'amitié » à Montreuil

Le secrétaire général du Parti communiste vietnamien, Lê Kha Phieu, commence, lundi 22 mai, une visite officielle de quatre jours en France, au cours de laquelle il sera reçu par le président Jacques Chirac. Cette visite est une grande première pour le Vietnam : jamais un secrétaire général du PC ne s'était jusqu'à présent rendu en Occident. La délégation qui accompagne Lê Kha Phieu comprend 37 chefs d'entreprise, dont une moitié vient du secteur privé. Les communistes entendent ainsi, semble-t-il, se mettre à la page.

Lundi à Montreuil, en banlieue parisienne, le secrétaire général devait parrainer un arbre de l'amitié franco-vietnamienne au parc Montreau, quelques jours après l'inauguration, dans la même ville, d'un espace Hô Chi Minh qui reconstitue la chambre de l'ancien leader vietnamien au temps où ce dernier vivait à Paris. Mercredi, Lê Kha Phieu ouvrira avec le président du Sénat, Christian Poncelet, un colloque sur le Vietnam et rencontrera le président de l'Assemblée nationale, Raymond Forni.

Le Monde, le 22 Mai 2000.