Les lacs de Hanoi pollués et menacés de disparition
HANOI - Les lacs de Hanoï, charme naturel de la capitale vietnamienne, sont menacés de
disparition en raison des empiètements de constructions illégales et de la grave pollution liés à une forte
croissance démographique.
Il ne reste actuellement qu'une vingtaine de lacs à Hanoi contre une quarantaine il y a dix ans, et leur surface se réduit à un
rythme alarmant du fait des milliers de maisons construites illégalement sur des terrains gagnés sur l'eau.
La superficie totale des plans d'eau est passée d'environ 800 hectares il y a dix ans à moins de 600 hectares aujourd'hui, ce qui
aggrave périodiquement les inondations lors des saisons des pluies à Hanoi où les lacs servent aussi de réservoirs.
"La pression démographique, les constructions mal planifiées et le comblement massif des lacs sont responsables de ce
phénomène inquiétant", avertit l'écologiste Dang Duong Binh du Service municipal des Sciences, de la Technologie et de
l'Environnement.
Le boom immobilier qui a suivi la libéralisation économique entamée au début des années 1990, a poussé les Hanoïens à
agrandir leurs parcelles de terrain situées au bord des lacs pour gagner sur l'eau de précieux mètres carrés.
Plus de 40 hectares du grand lac de Hanoi, le lac de l'Ouest, ont été ainsi comblés au cours des cinq dernières années pour
faire place aux constructions illégales mais tolérées par les autorités, selon une estimation officielle.
"Nous envisageons de construire des estacades (jetées à claire-voie) pour faire face à ces empiètements dans le cadre d'un
projet de traitement des ressources en eau de la capitale", ajoute M. Binh.
"Ce projet nous demandera d'ici l'an 2006 un investissement de 600 millions de dollars", estime-t-il.
Le coût du nettoyage du seul lac de l'Ouest est officiellement estimé à 35 millions de dollars, une somme dépassant largement
les moyens financiers du pays où le revenu annuel par tête est de 300 dollars, l'un des plus bas du monde.
Si la survie des grands lacs du centre-ville préoccupe les autorités, des dizaines de milliers de mètres carrés continuent à être
comblés chaque année dans les petits lacs situés dans les zones plus éloignées où habite une population pauvre souffrant d'une
grave pénurie de logements.
Le gouvernement participe lui-même aux constructions au bord des lacs mais il craint qu'un développement trop désordonné ne
tue l'environnement et le paysage de la capitale peuplée de 2,5 millions d'habitants, soit 100 fois de plus qu'il y a un demi-siècle.
Des ordures ménagères et des déchets industriels sont déversés quotidiennement dans le grand lac de Hanoi autour duquel des
complexes hôteliers ont poussé de façon anarchique au cours des dix dernières années, à côté d'innombrables villas et
"mini-hôtels" privés.
Selon les experts vietnamiens, la teneur en ammoniaque et en phosphates des lacs de Hanoi dépasse de deux à trois fois la
norme autorisée, entraînant la mort des poissons et polluant gravement l'environnement.
Les eaux du lac de Bay Mâu, dans un parc du centre-ville, sont également polluées par les déchets ménagers et les poissons
morts et ce lac n'a pas été curé depuis plusieurs décennies faute d'argent.
"La protection et le curage des lacs de Hanoi sont discutés depuis longtemps par les experts locaux et il faut maintenant
remédier sans tarder à la pollution", indique de son côté M. Phung Vinh Quang, directeur d'une entreprise municipale chargée
de l'environnement.
M. Quang réclame notamment un traitement efficace des déchets et des eaux usées déversés par plus de 300 établissements
industriels polluants recensés dans la ville.
"Il est temps de mettre en place un Comité chargé spécialement de l'aménagement et de la protection de l'environnement des
lacs à Hanoi", conclut-il.
AFP, le 23 mars 2000.
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