~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
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L'irrésistible jeunesse du Vietnam

HO CHI MINH VILLE - Vingt-cinq ans après la fin de la guerre et la réunification, le Vietnam s'ouvre. Mais les structures sociales sont bousculées par une jeunesse très nombreuse et inquiète de l'avenir.

« Un téléfilm a récemment provoqué un vaste débat au Vietnam », note Nguoi Ha Noi, rédacteur en chef du Hanoïen, un quotidien culturel et littéraire publié à Hanoï. « Tiré d'un roman récent, il racontait la vie d'un homme, depuis sa naissance à Haïphong [au nord-est du pays] jusqu'à ses 40 ans. Il évoquait ainsi la période du communisme collectiviste au nord, la guerre, la réunification. Le héros a de graves problèmes familiaux, il est persécuté par son père, il devient délinquant, et se retrouve en prison, à la suite d'une série de hasards tragiques ». « A Haïphong, on n'a pas aimé », constate le journaliste, « mais ailleurs au Vietnam, on s'est passionné pour ce téléfilm et on a beaucoup discuté pour savoir quelle avait été vraiment la réalité de cette époque ». C'est un symbole : vingt-cinq ans après la fin de la guerre et le départ des marines américains, le Vietnam regarde déjà comme de l'histoire cette toute récente période fondatrice. Les touristes occidentaux visitent le Musée des crimes de guerre, à Ho Chi Minh-Ville, où se côtoient le matériel militaire US, les photos d'agences et une guillotine française. Mais dans les rues de la métropole du sud, c'est une génération qui n'a pas connu cette époque qui alimente le flot des cyclomoteurs, que seules les violentes pluies épisodiques réussissent parfois à interrompre.

La fascination de la ville

La jeunesse est partout, dans un pays où la moitié de la population a moins de 20 ans, si l'on en croit les statistiques officielles que les Vietnamiens eux-mêmes annoncent toujours avec prudence, souvenir d'une époque où ceux-ci tenaient lieu d'incantation. Une poignée de jeunesse dorée fréquente les boîtes de Ho Chi Minh-Ville où Hanoï. Mais la grande majorité des Vietnamiens de cet âge travaille dur pour vivre ou survivre, quand leurs famille n'arrive pas à leur payer ces études qui n'ouvrent plus l'emploi automatique des années du communisme pur et dur. « La ville les fascine, au nord comme au sud », commente une Vietnamienne plus âgée. Massivement, les jeunes tentent de quitter la boue des rizières, de rejoindre ces zones urbaines qui s'étirent le long des grands axes, où l'on construit, à la limite de la chaussée et souvent sans permis, d'abord l'échoppe, puis, si l'argent rentre, la maison étroite derrière la boutique. Et tout le monde est commerçant, même avec quelques milliers de « dongs » de trésorerie (1 franc vaut environ 2000 dongs) et un vélo chargé de jeans, dans ce pays où le communisme s'est largement converti à l'entreprise privée.

Zidane et Barthez

Les générations plus âgées ont du mal à comprendre cette jeunesse qui ne se retrouve plus, ni dans les traditions culturelles et religieuses séculaires, ni dans l'organisation du parti. Le troisième âge a appris le français dans Victor Hugo, les gamins des rue disent leur joie de croiser un compatriote de Zidane et Barthez. Des adolescentes en jupe courte, foulard sous les yeux pour ne pas bronzer, se fraient un chemin à vélomoteur au milieu des cyclo-pousse, tandis que des petites dames, dans les pagodes bouddhistes ou taoïstes, font brûler des bâtonnets d'encens pour que leur fille trouve un mari avant vingt-cinq ans. Pour autant, les jeunes Vietnamiens ne rêvent pas des États-Unis, comme leurs voisins taïwanais. S'ils espèrent voyager (souvent en Europe d'ailleurs), ils disent souvent leur volonté de rester à Hanoï ou Saïgon. « Je veux vivre ce qui se passe aujourd'hui dans mon pays », confie une jeune femme. Le coeur a ses raisons. Même les plus diplômés se prennent encore à envoyer des poèmes aux journaux -une tradition vivace- et les jeunes étudiantes savent revêtir, pour les fêtes de famille, l'ao dai, la longue tunique à col montant sur un pantalon léger, remise à l'honneur depuis la perestroïka des années 90.

Par Jacques Fortier - Dernières Nouvelles d'Alsace, le 23 Juillet 2000.


Un journal pour les étudiants

HANOI - Créé il y a deux ans, visant les étudiants, le journal « Sinhviên » tente de coller à la réalité nouvelle de la jeunesse au Vietnam, sans renier la fidélité à l'héritage du parti.

Avec 30 000 exemplaires, l'hebdomadaire Sinhviên reste modeste dans un pays où l'on compte plus d'un million d'étudiants. Mais, créé en 1998, coûtant 2 500 dongs (1,25 F), le prix d'un modeste repas en ville, ce titre progresse régulièrement. Sa chance et son défi : la soif d'une jeunesse lettrée, inquiète de son avenir, tenaillée entre les traditions familiales, l'encadrement du parti, et la tentation du mode de vie occidental. « Mon groupe de presse est sous la tutelle des Jeunesses communistes et de l'association des étudiants vietnamiens », explique Nguyen Phong Doanh, son rédacteur en chef. « Je sais que, vu de l'étranger, on peut trouver cela lourd, mais je vous assure que c'est le secteur de presse le plus jeune et le plus dynamique du pays ». Aux côtés de Sinhviên, avec 38 salariés à Hanoï et une antenne à Ho Chi Minh-Ville, il édite aussi à 120 000 exemplaires un hebdomadaire pour les 15-17 ans, dont le titre signifie Couleur collège.

Pas de mots crus

Au sommaire du journal, l'actualité politique (« C'est une tradition de la mettre dans les premières pages »), des récits, plein d'informations pratiques sur la vie étudiante, le marché du travail, la vulgarisation de connaissances scientifiques, mais aussi des débats de société, des rendez-vous de loisirs. Et beaucoup de football pendant l'Euro, qui a passionné les jeunes Vietnamiens. Le journal s'offrira une nouvelle maquette pour septembre, qu'il se promet « harmonieuse, lisible, colorée ». Peut-on parler de tout ? « A condition de passer en souplesse », répond Nguyen Phong Doanh. Exemple : en matière de moeurs, « nous ne faisons pas de leçons de morale, ni de campagne pour le préservatif, mais à travers le courrier, des nouvelles, des histoires, sans mots crus -qui ne sont ni nécessaires ni souhaités-, on peut dire beaucoup de choses ». Ce n'est pas qu'une question d'âge, mais surtout de culture.

Le poids du chômage

C'est le cas pour la drogue, qui effraie la société vietnamienne et qui est ici très sévèrement réprimée, notamment par la peine de mort pour les trafiquants. A-t-on le doit d'écrire que ce n'est peut-être pas le meilleur moyen de lutte ? « Je pense qu'un jour il y aura ce genre de débat dans le journal, mais pour l'instant, je ne le souhaite pas », répond sobrement le rédacteur en chef. Sinhviên a publié, rappelle-t-il, plusieurs « papiers » sur la drogue : témoignage d'un étudiant qui a vu mourir un ami toxicomane, article sur une association qui lutte contre la drogue, reportage sur la désintoxication. Mais la fierté du journal, c'est d'abord de répondre aux questions des étudiants : « Nous avons organisé, par exemple, un Salon de l'étudiant présentant les formations possibles en France ; nous avons été sidérés par le nombre de demandes... » Il faut dire que les étudiants vietnamiens sont inquiets de leur avenir : le chômage frappe durement les jeunes diplômés dans les grandes villes depuis dix ans que le parti ne procède plus à la distribution automatique des emplois.

Par Jacques Fortier - Dernières Nouvelles d'Alsace, le 23 Juillet 2000.